Article publié sur 20minutes.fr

- A l’instar du Royaume-Uni et du Danemark, a France a entamé la levée progressive de ses restrictions sanitaires.
- Après la levée de l’obligation du port du masque en extérieur et la fin du télétravail obligatoire, dans quelques jours, les discothèques rouvriront. Et si la situation épidémique le permet, le masque en intérieur et le pass vaccinal pourraient prendre fin respectivement dès le printemps et l’été.
- Mais avec des chiffres de contaminations encore très élevés, sommes-nous vraiment prêts à vivre avec le virus sans restrictions ?
Après deux ans de pandémie, et presque autant de restrictions sanitaires pesant sur notre quotidien, les mesures liées au Covid-19, tout le monde en a marre. Et à deux mois du premier tour de la présidentielle, le gouvernement l’a bien compris et adapte sa stratégie, décidant qu’il est temps aujourd’hui de vivre avec le virus. L’heure est donc à l’optimisme et à la levée progressive des restrictions.
Finis les masques en extérieur et le télétravail obligatoire, et dès le 16 février, les vaccinés pourront retrouver les discothèques et les concerts debout. Et ce n’est pas tout, « si l’épidémie suit son cours avec une baisse d’Omicron, [la fin du masque en intérieur] ce sera au printemps », a promis mercredi le ministre de la Santé Olivier Véran. Mais si le pic de la vague Omicron semble dépassé, avec encore plus de 200.000 contaminations quotidiennes et des millions de personnes non vaccinées, sommes-nous prêts à cohabiter en toute sécurité avec le coronavirus et sans plus aucune restriction ? La couverture vaccinale peut-elle à elle seule mener vers la fin de la pandémie ?
Peu de restrictions réelles depuis plusieurs mois
« Il faut voir ce que l’on appelle aujourd’hui “restrictions”. Ce ne sont plus des mesures de confinement ni des couvre-feux, qui n’ont plus eu cours en France depuis de longs mois, elles sont davantage supportables du plus grand nombre », estime Antoine Flahault, épidémiologiste et directeur de l’Institut de santé globale à Genève. Ainsi, « malgré la flambée des contaminations par le variant Omicron en fin d’année, la France n’a pas reconfiné comme l’Allemagne et les Pays Bas ont pu le faire », renchérit le Dr Benjamin Davido, infectiologue et médecin référent de crise Covid-19 à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine).
« La levée de l’obligation du port du masque en extérieur est bienvenue, d’autant que son efficacité n’a jamais été démontrée », soulignent de concert l’épidémiologiste et l’infectiologue. Quant à la levée des jauges et la réouverture des discothèques, « les Français ont adapté leur mode de vie, ils télétravaillent plus et fréquentent moins les lieux publics clos. Et je ne suis pas persuadé qu’il va y avoir une ruée vers les boîtes de nuit dès leur réouverture », poursuit le Dr Davido.
Aujourd’hui, les restrictions pèsent principalement sur les personnes non vaccinées qui, sans pass vaccinal, sont privées d’accès à de nombreux lieux publics clos. « Cette forme de vaccination obligatoire déguisée a vocation à stimuler la vaccination de la population et la protéger des formes graves, mais aussi à protéger malgré eux les non vaccinés en les empêchant de fréquenter les bars, restaurants et transports publics où circule massivement Omicron chez les personnes vaccinées », rappelle Antoine Flahault.
Attention à un assouplissement « prématuré »
Mais si le pic des contaminations semble être enfin atteint dans cette vague Omicron, « il faut rester prudent face au risque de faux plat, à l’image du Royaume-Uni, qui a connu une reprise épidémique et hospitalière forte sous l’effet du sous-variant BA.2 d’Omicron. Or, s’il commence à se dessiner, nous n’avons toujours pas atteint le pic des hospitalisations », prévient le Dr Davido. « Et les hospitalisations pédiatriques n’ont jamais été aussi élevées depuis le début de la pandémie », complète Antoine Flahault.
Dans ce contexte, sommes-nous prêts à retirer nos masques en intérieur dès le printemps et nous libérer du pass vaccinal dès cet été, comme l’a promis Olivier Véran il y a quelques jours ? Avec plus de 200.000 contaminations quotidiennes en France, « supprimer trop rapidement les jauges et le pass vaccinal semble encore prématuré, alors que ce sont des mesures destinées à protéger la population contre les formes graves et éviter l’engorgement des hôpitaux », juge l’épidémiologiste. Pour autant, « face à un variant si contagieux, compliqué à freiner mais moins virulent, et il est légitime d’aller de l’avant, tempère le Dr Davido. En outre, on se rapproche de l’élection présidentielle, ce qui joue forcément : maintenant que le pic est dépassé, pour l’image, le gouvernement doit montrer que le pays va de l’avant ».
Mais si l’heure est à l’optimisme, la prudence devrait rester de mise. « Les vacances d’hiver commencent, et on l’a vu ces deux dernières années, elles s’accompagnent de rebonds épidémiques : il y a deux ans, on avait le cluster de Contamines-Montjoie en Haute-Savoie, et l’année dernière, avec la troisième vague, on a passé le premier semestre sous couvre-feu. Il ne faut pas crier victoire trop tôt et sous-estimer l’impact des mouvements de population durant ces vacances, insiste l’infectiologue. Il y a quelques semaines, on ignorait encore la déferlante Omicron qui se profilait. Il ne faudrait pas que le gouvernement soit présomptueux avec des annonces trop optimistes. Rien ne permet d’affirmer qu’il n’y aura pas de retour de bâton à l’automne avec de nouveaux variants et une reprise épidémique ».
Vivre avec le virus, mais sans l’attraper
Alors en pratique, comment vivre avec le virus sans l’attraper, sans risquer une nouvelle paralysie de l’économie ni lui sacrifier de vies humaines ? « Il n’y a pas de secret : on a un vaccin qui a prouvé son efficacité contre les formes graves, donc il faut poursuivre l’effort pour atteindre l’immunité collective, prescrit le Dr Davido. Et quand ce sera chose faite, on acceptera une certaine prise de risque face au virus en levant les toutes dernières mesures. Là, on ne raisonnera plus en termes de restrictions, d’autant que tout ne relève pas de la seule responsabilité de l’Etat, mais en termes de réflexes : au même titre que lorsqu’il pleut, on prend un parapluie, quand on sera dans la saisonnalité du virus, on aura ces automatismes de respecter les gestes barrières, de faire son rappel vaccinal et de porter le masque en intérieur. Comme c’est le cas pour la grippe saisonnière, qui fait chaque année des milliers de morts, sans que l’on se confine ».
Vivre avec le virus, « c’est accepter d’être tributaire de la situation épidémique, et des mesures qu’elle peut nécessiter, ajoute-t-il. Mais des mesures ciblées : plutôt que de tester tout le monde, peut-être faudrait-il à l’avenir recentrer le dépistage sur les seules personnes à risque : cela permettrait de nouveau corrélés d’avoir des indicateurs fiables pour prévenir la saturation des hôpitaux, comme c’était le cas il y a quelques mois ». Il faut retrouver « des indicateurs sanitaires acceptés de tous qui nous préciseraient quand nous pouvons lever les mesures », abonde Antoine Flahault.
En attendant, si l’on veut cohabiter sans risque avec le virus, « l’une des clés est de s’atteler à l’amélioration de la qualité de l’air intérieur, domaine sur lequel les Européens n’ont pas encore ébauché la moindre réflexion construite », déplore l’épidémiologiste. Pourtant, avec près de 17.000 classes fermées pour cause de Covid et alors que le calendrier de levée des restrictions se poursuit, « il faut que l’on assainisse en urgence l’air intérieur, où l’on passe 90 % de notre temps et où se produisent 99 % des contaminations », insiste l’épidémiologiste. Enfin, « il faut continuer à investir sur les vaccins, les médicaments antiviraux et les anticorps monoclonaux, poursuivre l’innovation thérapeutique pour rendre le Covid-19 moins sévère et moins mortel ».