Article publié sur ouest-france.fr, 24/01/2021
Apparue fin 2020, une nouvelle souche du virus SARS-CoV-2 progresse à toute vitesse en Californie et inquiète les chercheurs par sa capacité à faire naître de nouvelles mutations du coronavirus.

Les espoirs de sortie de crise sanitaire, nés au début de l’année après la mise en place d’une vaste campagne de vaccination, s’amenuisent chaque jour un peu plus aux États-Unis.
Le Covid-19 poursuit ses ravages au sein de la population américain. La situation est particulièrement alarmante en Californie, où le seul comté de Los Angeles enregistre plus d’un million de personnes contaminées et près de 15 000 décès (36 500 dans toute la Californie, pour 40 millions d’habitants).
Des hôpitaux pris de court
Dans le nord de l’État, plusieurs clusters ont également fait leur apparition dans la ville de San Jose et le comté de Santa Clara, notamment au sein de maisons de retraite, hôpitaux et prisons. « Nous sommes pris de court par cette forte poussée du virus », déplore le Dr Erica Pan, directrice du service d’épidémiologie au sein du Département de la Santé Publique de Californie.
« Nombre de personnes ont repris leurs déplacements et voyages dans le pays, et ont eu des comportements à risque en fin d’année, du fait des fêtes de Thanksgiving et Noël, mais aussi de l’élection présidentielle. Nous le payons au prix fort ».
Un relâchement de la vigilance auquel s’est ajouté un raté dans la vaccination, après les doutes sur l’efficacité, mais aussi la dangerosité du traitement proposé par Moderna. « Nous avons été contraints de faire une pause, afin d’évaluer le vaccin. Nous avons conclu à son efficacité, mais nous avons perdu du temps. En outre, nous manquons de vaccins. Le virus va plus vite que nous et se multiplie, tel Alien ».
Les contaminations s’accélèrent
Au rythme actuel, la vaccination des plus de 65 ans et des professionnels de santé ne sera pas complétée avant la fin du mois de juin. Une lenteur que l’État ne peut pas se permettre, du fait de l’apparition d’une nouvelle souche de Covid-19, désignée le 17 janvier sous le nom de CAL.20C.
Différente de celles apparues en Grande-Bretagne (connue sous le nom de B.1.1.7), Afrique du Sud, Brésil ou Japon, cette souche a été trouvée dans plus de la moitié des cas à Los Angeles et semble être à l’origine de l’accélération des contaminations dans le sud de la Californie, selon une nouvelle étude réalisée par les chercheurs du centre médical Cedars-Sinai.
« La récente flambée des cas positifs au COVID-19 dans le sud de la Californie coïncide avec l’émergence de CAL.20C », affirme Eric Vail, professeur adjoint de pathologie et directeur de pathologie moléculaire au Département de pathologie et de médecine de laboratoire, à Cedars-Sinai. « Les résultats de Cedars-Sinai n’ont pas indiqué si la souche était plus mortelle que les formes actuelles du coronavirus ».
Un variant en sommeil
Alors que la souche CAL.20C était presque inexistante en octobre, 36,4 % des échantillons de virus provenant de patients de cet hôpital au cœur de Los Angeles ont été trouvés porteurs de la souche en décembre, mais aussi 24 % de tous les échantillons du sud de la Californie (comtés de Kern, Los Angeles, Orange, Riverside, San Bernardino, San Diego, San Luis Obispo, Santa Barbara et Ventura).
« Notre but était de chercher des personnes porteuses du variant britannique. Nous n’en avons trouvé que quelques-unes, ce qui signifie que nous ne sommes pas trop exposés aux souches venant des autres pays. Mais à notre grande surprise, nous nous sommes aperçus que la Californie avait produit son propre variant ».
Plus inquiétant, les chercheurs pensent que la souche CAL.20C pourrait être apparue au mois de juillet, mais être restée en sommeil jusqu’à fin novembre, avant de se propager à toute vitesse. « Ce qui signifie que d’autres variants peuvent également être prêts à exploser. Nous avons d’ailleurs pu déterminer que la souche californienne avait produit cinq sous-variants. Cette capacité à générer ses propres mutations est très alarmante : le virus progresse avec trois ou quatre coups d’avance sur nos recherches ».
L’une de ces mutations, nommée L452R est extrêmement active et s’est déjà propagée dans le pays. Quant à CAL.20C des patients en ont été trouvés porteurs de l’autre côté des États-Unis, en Arizona, Connecticut, Maryland, New Mexico, Nevada, New York, Texas, Utah, Washington, District of Columbia, Caroline du Nord et Wyoming, mais aussi à l’étranger, notamment en Océanie.
« Nous ne sommes pas certains de ce que l’apparition de cette souche et de ces mutations signifie en termes d’infectivité et de résistance aux anticorps », explique Wenjuan Zhang, coauteur de l’étude et professeur adjoint au Département de pathologie et de médecine au sein du laboratoire, à Cedars-Sinai.
« Mais il semble sûr que ce variant est plus agressif et plus contagieux ; même pour les enfants, lesquels connaissent de sévères troubles respiratoires. À regarder les chiffres de l’augmentation des décès, il est aussi permis de penser qu’il est plus mortel. Cela demande une étude de suivi sur le plus long terme. Mais le temps presse ».