Article publié sur 20minutes.fr
Coronavirus : Refus du télétravail, sorties non autorisées… Pourquoi le confinement est-il moins bien respecté qu’en mars ?
- Le reconfinement en vigueur depuis le 31 octobre semble moins bien respecté que celui de mars.
- Une étude Ifop dévoilée ce jeudi montre d’ailleurs qu’une majorité de Français (60%) a déjà transgressé les règles de circulation du reconfinement.
Un simple regard dans les rues des grandes villes suffit à se faire une idée : deux semaines après l’entrée en vigueur du reconfinement, il y a beaucoup plus de marcheurs, de voitures, de cyclistes que lors du premier confinement. Certes, cette fois-ci les établissements scolaires, certaines administrations et davantage de commerces sont restés ouverts. Mais il semblerait aussi que le confinement soit moins bien respecté, comme le montre une étude Ifop* parue ce jeudi. Selon celle-ci, une semaine après l’entrée en vigueur du confinement, 60 % Français admettaient déjà avoir déjà transgressé les règles de circulation. Soit deux fois plus que ce que l’Ifop avait pu observer lors du premier confinement après 6 semaines (33 %).
Ce qui pourrait conduire le Premier ministre, Jean Castex, à annoncer un durcissement des règles afin de freiner la deuxième vague de Covid-19, lors de sa conférence de presse ce jeudi. Celle-ci se déroulera après un Conseil de défense à l’Elysée dédié au Covid-19. D’autant que le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a adressé une note aux préfets pour leur demander un « renforcement » des contrôles du confinement, a-t-on appris mardi.
« Cette moindre perception de l’utilité du confinement entraîne des écarts de comportement »
Une transgression des règles multifactorielle. Tout d’abord due à la nature même de ce confinement, dont les règles sont moins strictes que le précédent, comme l’explique François Kraus, directeur du pôle politique à l’Ifop : « Les écoles sont ouvertes, les parcs sont accessibles, la liste de commerces de première nécessité est plus large… Ce qui pousse les Français à sortir hors de chez eux et parfois en utilisant un motif de sortie autorisée pour faire deux choses à la fois. D’autant que c’est dans la culture latine de s’arranger avec certaines règles ».
La communication qui a entouré ce reconfinement a aussi joué un grand rôle, selon Florence Sordes, maître de conférences en psychologie de la santé à l’Université Toulouse 2 : « Ce reconfinement étant plus souple, l’effet d’annonce a été moins fort sur l’opinion. Par ailleurs, beaucoup de Français ont eu l’impression d’une communication gouvernementale chaotique sur la gestion du covid-19 avec des mesures prises en urgence. Certains ont trouvé aussi paradoxal qu’on annonce ce reconfinement alors que parallèlement, certains transports sont bondés, ainsi que les réfectoires dans les écoles… Cette moindre perception de l’utilité du confinement entraîne des écarts de comportement. Car pour pouvoir accepter une telle mesure, il faut y trouver un sens ».
L’obligation de télétravailler pas toujours respectée
Et même si le télétravail doit être généralisé depuis le 29 octobre, force est de constater que la consigne n’est pas toujours bien respectée. Selon l’étude de l’Ifop, moins de la moitié des salariés ayant un poste totalement télétravaillable travaille tous les jours depuis leur domicile : 40 % alternent entre présentiel et télétravail et 14 % travaillent tous les jours dans leur entreprise. « Certaines entreprises craignent toujours une moindre productivité de leurs salariés en télétravail et leur demandent de venir sur site. Mais certains salariés le font sans que leur patron le demande, car ils veulent conserver une dynamique d’équipe, un cadre de travail, quitte à prendre des risques pour leur santé. Sans compter que certains d’eux ne disposent pas de bonnes conditions pour télétravailler chez eux », analyse Florence Sordes.
Mais comment expliquer que les chiffres exponentiels des contaminations ne les dissuadent pas de sortir de chez eux ? « Certains ont vécu la première vague du coronavirus sans l’attraper. Ils se sentent invulnérables face à lui. C’est encore plus vrai dans les régions ont été peu touchées au début de l’épidémie », observe Florence Sordes. « Et les jeunes ont le sentiment d’être moins à risque, même si certains d’eux développent des formes graves de Covid-19 », ajoute François Kraus.
« Ce non-respect du confinement entraîne des conflits dans les familles »
Si les restrictions de déplacement sont aussi moins bien respectées, c’est aussi pour des raisons psychologiques. Selon l’étude de l’Ifop, depuis le reconfinement, les Français ressentent plus fortement que d’habitude un sentiment de tristesse (52 %), en particulier les femmes (60 %), les jeunes (56 %) et les personnes confinées seules (54 %). « Les Français ont le sentiment d’une crise sanitaire sans fin. Ils commencent aussi à percevoir les effets de la crise économique et les tensions sécuritaires intensifient aussi leur pessimisme. Sans oublier les dépressions saisonnières qui se manifestant dès novembre, en raison de la baisse de la luminosité. Difficile pour eux dans ces conditions, de se passer de leurs proches, ce qui explique certaines de leurs sorties chez des amis ou de la famille », note François Kraus. D’autant que selon l’Ifop, 4 Français sur 10 vont affronter ce second confinement seuls chez eux. « Lors du premier confinement, beaucoup de personnes ont été déçues de leurs relations sociales virtuelles et ont ressenti une vraie solitude, que certaines refusent de vivre à nouveau », ajoute Florence Sordes.
Enfin la peur du gendarme semble elle aussi moins forte en ce reconfinement. Sachant que depuis son entrée en vigueur le 29 octobre à minuit, 65.000 verbalisations ont déjà eu lieu, dont 20.000 dans les huit départements d’Ile-de-France. Et que les contrôles vont s’intensifier dans les prochains jours. Outre le risque de contracter le virus, de le transmettre à leurs proches, de se faire verbaliser, ceux qui enfreignent les règles du confinement en courent un autre : « Ce non-respect du confinement entraîne des conflits dans les familles, car ceux qui sacrifient une partie de leur liberté en voyant les autres refuser les contraintes le supportent très mal », souligne Florence Sordes. Une raison de plus de respecter davantage les règles, même si elles sont difficiles.