Comment 11 grandes pandémies ont changé le cours de l’histoire

Article publié sur le site Business Insider

Représentation de la peste en Italie au XVIIe siècle, vue au Museo Storico Nazionale Dell’Arte Sanitaria. © De Agostini/Getty Images

Les pandémies ont affecté les civilisations tout au long de l’histoire humaine, la première épidémie connue se produisant en 430 avant JC, pendant la guerre du Péloponnèse. Beaucoup de ces pandémies ont eu des impacts importants sur la société, provoquant la mort d’une grande part de la population et amenant les êtres humains à réfléchir et se poser de vastes questions sur la vie.

Voici 11 des pandémies les plus importantes qui ont changé le cours de l’histoire humaine, y compris celle de Covid-19, déclarée pandémie par l’OMS le 11 mars 2020.

1. Peste de Justinien (541 à 750 après J.-C.)

Justinien Ier (483 – 565 après J.-C.) a dirigé l’empire byzantin (ou empire romain d’Orient), et a reconquis une grande partie de l’Empire romain d’Occident avant de le perdre à nouveau. Bettmann/Getty Images

Le règne de Justinien Ier, empereur byzantin au VIe siècle, a été entravé par une épidémie de peste bubonique. Aujourd’hui connue sous le nom de peste de Justinien, cette pandémie aurait tué entre 30 et 50 millions de personnes, ce qui équivaut, selon les estimations, à la moitié de la population mondiale de l’époque. La peste de Justinien s’est bel et bien produite il y a environ 1 500 ans, mais les chercheurs continuent de scruter des preuves de son ampleur.

Le récit traditionnel de cette pandémie était que le commerce avait largement cessé et que l’empire avait été affaibli, permettant à d’autres civilisations de reconquérir des terres auparavant byzantines au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et dans certaines parties de l’Asie. Justinien était en train de réunir les moitiés orientale et occidentale de l’empire romain lorsque la peste a frappé. C’est cette dernière qui a été tenue pour responsable de la fin de cette ère.

En fin de compte, nous savons à quel point cela fut dévastateur : la moitié de la population mondiale est morte, l’empire romain n’a jamais été réuni de nouveau et le Moyen-Âge a commencé.

2. La peste noire (1347 – 1351)

Image tirée de la Bible de Toggenburg (1411) de victimes de la peste souffrant de furoncles. Wikimedia Commons

Entre 1347 et 1351, la peste bubonique s’est répandue dans toute l’Europe, tuant environ 25 millions de personnes. Il a fallu plus de 200 ans à la population européenne pour retrouver son niveau d’avant 1347. Elle a probablement tué un plus grand nombre de personnes en Asie, particulièrement en Chine, où l’on pense qu’elle est apparue.

Parmi les autres conséquences de la pandémie, connue plus tard sous le nom de peste noire, figure le début du déclin du servage, car le nombre de morts était si important que le niveau de vie des survivants a, de fait, augmenté. Les travailleurs ont eu plus de possibilités de travail et la mobilité sociale s’est accrue, tandis qu’un moratoire de courte-durée sur la guerre a été instauré.

Sur le plan culturel, le cataclysme a provoqué une augmentation du mysticisme, car ce lot de souffrances a remis en question la domination religieuse de l’Église catholique romaine. Les réactions à ce fléau se sont également traduites par une recrudescence du fanatisme et des boucs émissaires, avec une augmentation des préjugés et même des pogroms contre les minorités, notamment les Juifs et les Roms.

3. La variole (XVe – XVIIe siècles)

Illustration non datée représentant la première vaccination contre la variole du médecin anglais Edward Jenner, effectuée sur James Phipps en 1796. D’après un tableau de Georges Gaston Melingue. Bettmann/Getty Images

Les Européens ont introduit un certain nombre de nouvelles maladies lorsqu’ils sont arrivés sur le continent américain en 1492. L’une d’entre elles était la variole, une maladie contagieuse qui tue environ 30% des personnes infectées.

Au cours de cette période, la variole a coûté la vie à environ 20 millions de personnes, soit près de 90 % de la population des Amériques. La pandémie a aidé les Européens à coloniser et à développer les zones nouvellement libérées, modifiant à jamais l’histoire des Amériques, de leurs conquérants européens et de l’économie mondiale.

L’exploitation des richesses minérales du “Nouveau Monde”, sous forme d’argent et d’or provenant d’Amérique latine, a par exemple entraîné une inflation massive au sein du vaste empire espagnol. Le penseur économique John Maynard Keynes a écrit en 1930 que cette “révolution des prix” avait été un tournant crucial dans la formation du capitalisme moderne.

4. Le choléra (1817 – 1823)

Des patients attendent au centre de traitement du choléra de Diquini à Port-au-Prince, en Haïti. Thomson Reuters

La première pandémie de choléra a débuté à Jessore, en Inde, et s’est propagée dans la plus grande partie de la région, puis dans les régions voisines. Il s’agissait de la première des sept grandes pandémies de choléra qui ont tué des millions de personnes. Un médecin britannique du nom de John Snow eut une intuition sur la façon d’empêcher sa propagation et, en 1854, il a endigué l’épidémie en isolant sa source à une pompe à eau particulière dans le quartier de Soho à Londres.

L’Organisation mondiale de la santé a qualifié le choléra de “pandémie oubliée” et a déclaré que sa septième épidémie, qui a débuté en 1961, se poursuit encore aujourd’hui. Le choléra infecterait 1,3 à 4 millions de personnes chaque année, avec des décès annuels allant de 21 000 à 143 000.

Comme le choléra est causé par l’ingestion d’aliments ou d’eau contaminés par une certaine bactérie, il nuit massivement aux pays touchés par l’extrême inégalité des richesses et le manque de développement. Le choléra continue de changer le monde en frappant les parties les moins développés, alors que les pays riches s’en inquiètent à peine.

5. La grippe espagnole ou H1N1 (1918 – 1919)

L’auditorium municipal d’Oakland, en Californie, a été transformé en hôpital temporaire, avec des infirmières bénévoles de la Croix-Rouge américaine, pendant la pandémie de grippe espagnole de 1918. Underwood Archives/Getty Images

La grippe espagnole de 1918 était une épidémie de virus H1N1 qui a infecté environ 500 millions de personnes, soit un tiers de la population mondiale, au début du XXe siècle. La pandémie a fait plus de 50 millions de victimes dans le monde.

Au moment de l’épidémie, la Première Guerre mondiale touchait à sa fin et les autorités de santé publique n’avaient pas ou peu de protocoles officiels en place pour faire face aux pandémies virales, ce qui a contribué à son lourd bilan.

Dans les années qui ont suivi, les recherches visant à comprendre comment la pandémie s’est produite et comment elle aurait pu être évitée ont permis d’améliorer les systèmes de santé publique et d’atténuer l’impact d’épidémies grippales par la suite.

6. La grippe de Hong Kong ou H3N2 (1968 – 1970)

Une image au microscope électronique fournie par les Centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies en 2011 montre le virus de la grippe H3N2.  Associated Press

Cinquante ans après la grippe espagnole, un autre virus de la grippe, le H3N2, s’est répandu dans le monde entier. On lui impute environ un million de décès dans le monde, dont environ 100 000 aux États-Unis.

La pandémie de 1968 a été la troisième épidémie de grippe du XXe siècle, les deux autres étant la grippe espagnole en 1918 et la pandémie de grippe asiatique de 1957. On pense que le virus responsable de la grippe asiatique a évolué et est réapparu dix ans plus tard sous la forme de ce qu’on appelle la “grippe de Hong Kong”, entraînant la pandémie H3N2. Le XXIe siècle, cependant, a continué à voir apparaître des épidémies de grippe.

Bien que moins mortelle que l’épidémie de grippe de 1918, la grippe H3N2 fut extrêmement contagieuse : 500 000 personnes ont été infectées dans les deux semaines qui ont suivi le signalement du premier cas signalé à Hong Kong. La pandémie a aidé la communauté sanitaire mondiale à comprendre le rôle vital des vaccins dans la prévention de futures épidémies.

7. Le SIDA/VIH (1981 jusqu’à présent)

Un homme manifeste lors d’une campagne de sensibilisation au VIH la veille de la Journée mondiale du SIDA à Calcutta, en Inde. Reuters

Les premiers cas connus de SIDA ont été signalés en 1981, mais la maladie continue de se propager et de tuer aujourd’hui. Depuis 1981, 75 millions de personnes ont été infectées par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et environ 32 millions en sont mortes. En tant que maladie sexuellement transmissible pour laquelle il n’existe aucun remède, le VIH est une épidémie persistante qui continue à toucher des millions de personnes chaque année. Malgré l’absence de remède contre le SIDA, les médicaments de la thérapie antirétrovirale peuvent contrôler le VIH et ralentir considérablement sa progression, permettant à une personne infectée de vivre longtemps.

La superstar du basket Magic Johnson est entrée dans l’histoire lorsqu’il a pris sa retraite de la NBA en 1991, devenant à l’époque la plus grande célébrité à avoir rendu publique sa séropositivité. Il reste aujourd’hui encore un homme d’affaires important, et a fait partie d’un groupe qui a racheté l’équipe de baseball des Dodgers de Los Angeles en 2012.

L’influence négative du SIDA sur l’économie mondiale est toujours à l’étude, en particulier en Afrique, continent le plus touché par la maladie. Dans les années 1980 et 1990, la communauté LGBTQ mondiale s’est fait entendre et a acquis une visibilité sans précédent en raison de l’impact disproportionné du VIH sur ses membres. “Philadelphia” a été l’un des premiers films grand public à traiter du sujet et de l’homophobie. Il a été récompensé par un Oscar à sa sortie en 1993.

8. Le SRAS (2002 – 2003)

Des passants portent des masques pour se protéger contre le virus du SRAS en attendant d’acheter des billets à la gare de Pékin, le mercredi 23 avril 2003. Greg Baker/ AP

Le SRAS, ou syndrome respiratoire aigu sévère, est une maladie causée par l’un des sept coronavirus qui peuvent infecter l’homme. En 2003, une épidémie qui a pris naissance dans la province chinoise de Guangdong est devenue une pandémie mondiale. Elle s’est rapidement étendue à 26 pays, infectant un peu plus de 8 000 personnes et en tuant 774.

Les conséquences de la pandémie de SRAS de 2003 ont été largement limitées grâce à une réponse intense des autorités mondiales en matière de santé publique, notamment par la mise en quarantaine des zones touchées et l’isolement des personnes infectées. Les scientifiques qui étudient le Covid-2019 ont découvert que sa composition génétique est identique à 86,9% à celle du virus du SRAS, et les responsables comparent maintenant les deux pour voir si les gouvernements peuvent reproduire avec succès l’une des procédures de confinement de 2003.

L’épidémie de SRAS a permis de sensibiliser davantage à la prévention de la transmission des maladies virales, en particulier à Hong Kong, où les surfaces publiques sont régulièrement désinfectées depuis et où les masques sont devenus monnaie courante.

9. La grippe A ou H1N1 (2009 – 2010)

Cette carte montre le parcours de la grippe A telle qu’elle s’est propagée aux États-Unis à l’automne 2009. PLOS Computational Biology

Une nouvelle forme du virus de la grippe est apparue en 2009, infectant environ 60,8 millions de personnes aux Etats-Unis, avec des décès dans le monde entier compris entre 151 700 et 575 400. Appelée “grippe porcine” parce qu’elle semble passer du porc à l’homme, la grippe H1N1 diffère des épidémies de grippe “classiques” en ce sens que 80 % des décès liés à ce virus se sont produits chez des personnes de moins de 65 ans. En effet, 70 à 90 % des décès liés aux épidémies de grippe surviennent chez des personnes de plus de 65 ans.

La grippe H1N1 a montré à quelle vitesse une pandémie virale peut se propager au XXIe siècle, ce qui indique que des préparatifs supplémentaires seront nécessaires pour que la communauté mondiale puisse réagir plus rapidement à l’avenir. La grippe porcine a peut-être laissé une trace importante. Elle a exposé la vulnérabilité persistante de nombreux pays dotés de systèmes de santé pourtant avancés à une épidémie de grippe en évolution rapide.

10. Ebola (2014 – 2016)

Une victime d’Ebola est enterrée à Beni, au Congo, en 2019.  Jerome Delay/AP Photo

Le virus Ebola, nommé d’après une rivière proche de l’épicentre de l’épidémie, s’est peu propagé par rapport à la plupart des pandémies modernes, mais fut incroyablement mortel. Il a été découvert dans un petit village de Guinée en 2014 puis s’est propagé à une poignée de pays voisins d’Afrique de l’Ouest. Le virus a tué 11 325 des 28 600 personnes infectées, la plupart des cas se produisant en Guinée, au Liberia et en Sierra Leone. Sur les 8 Américains qui ont contracté le virus Ebola, un est mort, selon les autorités américaines de santé (CDC).

On estime que le virus Ebola a coûté au total 4,3 milliards de dollars, les investissements étrangers ayant chuté de façon spectaculaire dans les trois pays les plus touchés. Tout comme “la pandémie oubliée” de choléra, le virus Ebola a ravagé les pays les moins bien équipés pour y faire face.

11. Le coronavirus ou Covid-19 (2019 jusqu’à aujourd’hui)

Des militaires sud-coréens ont reçu l’ordre de désinfecter Séoul, en Corée du Sud, alors que le coronavirus se propageait, le 4 mars 2020.  Woohae Cho/Getty Images

L’épidémie actuelle de nouveau coronavirus, qui provoque une maladie connue sous le nom de Covid-19, a révélé les faiblesses de la réaction de la communauté mondiale aux épidémies virales. Le 11 mars 2020, l’OMS a qualifié l’épidémie de pandémie.

À la date du 8 octobre 2020, les cas confirmés dans le monde ont dépassé les 36 millions, avec plus d’un million de décès. Les Centres américains pour le contrôle et la prévention des maladie ont recommandé de pratiquer la distanciation sociale. Les parcs d’attractions et les musées ont été fermés et les grands évènements dans le monde ont été soit annulés, soit reportés indéfiniment.

En six mois, plus de 60 millions d’Américains ont fait une demande d’assurance chômage. Ce nombre est supérieur aux demandes déposées pendant les 18 mois de la Grande Dépression. Les secteurs des voyages, de l’hôtellerie et des services ont été durement touchés par les licenciements. Le 29 septembre, Disney a annoncé qu’il supprimait 28 000 emplois dans les parcs d’attractions. Le groupe aurait déjà perdu 3,5 milliards de dollars en raison des fermetures.

D’autres grandes entreprises, telles que Ralph Lauren, Dell ou United Airlines ont procédé à des licenciements. En France, le PIB (produit intérieur brut) a connu une chute vertigineuse au premier semestre 2020, jamais vue depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Et les plans sociaux se sont multipliés depuis le début de la pandémie.

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