De « Illusions perdues » à « Titane »: les 5 meilleurs et les 5 pires films français de l’année

Article publié sur marianne.net

Une adaptation passionnante de Balzac, un biopic superflu ou une Palme d’or surestimée ?
Carole Bethuel / Roger Arpajou – Curiosa Films – Gaumont / Constantin Film Verleih GmbH

Une adaptation passionnante de Balzac (« Illusions perdues », de Xavier Giannoli), une Palme d’or surestimée (« Titane », de Julia Ducournau), un film marquant sur l’avortement (« L’événement », de Audrey Diwan), un biopic superflu (« Eiffel », de Martin Bourboulon) on en passe… Que retenir de l’année 2021 du cinéma français ? « Marianne » dresse son bilan subjectif des réussites et des flops de ces douze derniers mois.

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5. « L’HOMME DE LA CAVE », DE PHILIPPE LE GUAY

Un couple de bobos parisiens vivant dans un bel immeuble parisien vend sa cave à un homme énigmatique (François Cluzet). Ce dernier s’y installe et ne tarde pas à faire état de son idéologie négationniste… Dans L’homme de la cave Philippe Le Guay (Les femmes du sixième étage, Alceste à bicyclette) abandonne la comédie et signe un thriller polanskien qui, dans la France d’aujourd’hui, examine à la loupe le venin de l’antisémitisme et du révisionnisme. L’occasion pour le cinéaste, nous racontait-il en octobre dernier, d’autopsier « une rhétorique perverse, un plaisir malsain à semer le doute, une obsession de saper la vérité ».

4. « TOUT S’EST BIEN PASSÉ », DE FRANÇOIS OZON

Un homme victime d’un AVC (André Dussollier) refuse sa déchéance et demande à sa fille (Sophie Marceau) de l’aider à mourir… Dans Tout s’est bien passé, le prolifique François Ozon adapte l’ouvrage éponyme et autobiographique de Emmanuèle Bernheim, évoque frontalement un sujet douloureux, le droit de mourir dans la dignité, et signe l’un de ses plus beaux films.

3. « UNE HISTOIRE D’AMOUR ET DE DÉSIR », DE LEYLA BOUZID

Un jeune garçon élevé en banlieue parisienne rencontre dans sa fac une étudiante venue de Tunisie. L’héroïne affiche un tempérament bien plus libre et audacieux que son contemporain… Dans le bien nommé Une histoire d’amour et de désir, Leyla Bouzid met en scène avec délicatesse deux personnages émouvants et zoome avec pertinence sur certaines réalités sociales et politiques de la France d’aujourd’hui.

2. « L’ÉVÉNEMENT », DE AUDREY DIWAN

Une étudiante des années 60 tombe enceinte et décide d’avorter. Elle entame un parcours de combattante dans un pays, la France, où l’IVG est interdite… Audrey Diwan, récompensée par un Lion d’or au festival de Venise, adapte le récit d’autobiographie de Annie Ernaux et signe un film important sur un sujet toujours d’actualité : le droit à l’avortement. « On me demande souvent pourquoi j’ai désiré tourner ce film aujourd’hui, alors que la loi Veil est entrée en vigueur en 1975 nous racontait Audrey Diwan en novembre. Cette question révèle un point de vue très français et ego-centré quand on se voit ce qui se passe aujourd’hui en Pologne, aux États-Unis, en Amérique latine ou en Afrique… Le sujet de l’avortement clandestin est toujours d’actualité, hélas. Et le combat pour l’IVG ne se conjugue pas au passé. »

1. « ILLUSIONS PERDUES », DE XAVIER GIANNOLI

Un monument de la littérature française qui regarde droit dans les yeux notre époque… Dans Illusions perdues, Xavier Giannoli adapte magistralement le roman d’Honoré de Balzac et met en scène une fiction constamment inventive sur les faux-semblants du parisianisme, la fabrication de l’« info spectacle », la soumission au Dieu du profit, le cynisme de la vie politique, la corruption morale. Le plus beau film français de l’année.

FLOP

5. « ANNETTE », DE LEOS CARAX

Expert en fictions ésotériques, l’ermite Leos Carax se déchaîne dans cette comédie musicale abracadabrante où il met en scène les relations destructrices à Los Angeles entre une cantatrice (Marion Cotillard) et un comédien de stand-up (Adam Driver). Hélas, malgré la partition des Sparks, le film s’abîme dans le grand guignol et l’emphase. Dans le registre de la comédie musicale, les frères Larrieu, avec leur Tralala situé à Lourdes, ont plus séduit et amusé cette année.

4. « EIFFEL », DE MARTIN BOURBOULON

Le biopic encore et toujours. Et rarement pour le meilleur. La preuve avec cette évocation de Gustave Eiffel qui, seul contre tous, entend bâtir « sa » tour et retrouve son grand amour de jeunesse… L’académisme sévit à tous les étages de ce film campé par Romain Duris qui n’échappe jamais aux pièges de la reconstitution poussiéreuse façon Musée Grévin. Dans le registre si fréquenté du biopic, Eiffel fait pâle figure face au Aline, de Valérie Lemercier, une fiction délirante sur Céline Dion qui, cette année, a su échapper aux conventions du genre.

3. « MYSTÈRE À SAINT-TROPEZ », DE NICOLAS BENAMOU

Ou comment la comédie prétendument populaire ne fait plus rire personne… Ce film humoristico-policier poussif, incarné par des « stars » en pagaille (Christian Clavier, Benoît Poelvoorde, Thierry Lhermitte, Jérôme Commandeur), ressemble à un concours de grimaces et aligne les gags lourdissimes. Ce navet onéreux (13,5 millions d’euros) n’a rassemblé que 174 000 de spectateurs. Le grand public, de toute évidence, a préféré applaudir le OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire de Nicolas Bedos, une comédie insolente et incorrecte d’un tout autre calibre.

2. « LES FANTASMES », DE STÉPHANE ET DAVID FOENKINOS

Une mauvaise publicité pour le sexe… Dans ce film à sketches sur les fantasmes érotiques, les frères Foenkinos s’amusent à mettre en scène une brochette d’acteur dans toutes les positions : Karin Viard, Denis Podalydès, Jean-Paul Rouve, Monica Bellucci, on en passe. Hélas, le film peine à arracher le moindre sourire et frisson au spectateur qui reste désespérément de marbre.

1. « TITANE », DE JULIA DUCOURNAU

La Palme d’or à la confusion et la fausse transgression… En attribuant la récompense suprême à ce film vociférant sur une serial killeuse enceinte d’une bagnole, le jury du Festival de Cannes s’est distingué par son snobisme. Dans cette fiction éprouvante, Julia Ducournau assène quelques lourds « messages » rayons féminisme guerrier, identités en lambeaux et culture machiste toxique. Autant de thèmes au cœur des préoccupations du moment que la cinéaste aborde avec la grâce du bourreau et un sens très sûr de l’esbroufe.

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