Article publié sur lesechos.fr
Allègement des restrictions sanitaires, coup de frein de la campagne vaccinale et propagation de variant Delta font craindre aux épidémiologistes une hausse des contaminations en France. Une quatrième vague est-elle inévitable ? Qu’en est-il à l’étranger ? Les explications de CQFD.

La France reprend goût à la « vie d’avant », et l’épidémie continue de reculer dans le pays. Pour autant, à l’inverse de l’été 2020, la tendance n’est pas au relâchement complet. Le masque reste ainsi obligatoire dans les lieux clos, tandis que des jauges continuent de s’appliquer dans certains lieux de convivialité. Emmanuel Macron lui-même a estimé « qu’il fallait rester prudent ». « Si nous perdons toute vigilance le risque c’est de revenir en arrière », affirmait-il le 8 juin.
Pour les scientifiques, si l’été devrait se dérouler sans encombre, les inquiétudes se tournent vers le début de l’automne. « Je pense qu’il y aura une reprise en septembre ou en octobre », indiquait début juin, Jean-François Delfraissy, le président du conseil scientifique. Depuis cette déclaration, l’émergence du variant Delta, initialement repéré en Inde, est venue renforcer les craintes des épidémiologistes.
Une quatrième vague est-elle inévitable ? Sera-t-elle différente des vagues précédentes ? Les explications de CQFD, le format pédagogique des « Echos ».
1. Quelle est la situation en France ?
En France, l’épidémie continue chaque jour de reculer. Jeudi, moins de 1.500 personnes étaient admises en réanimation, un plus bas depuis octobre. Au plus fort de la troisième vague de l’épidémie, 6.001 patients étaient accueillis dans ces services, qui traitent les formes les plus graves de la maladie.
Le taux d’incidence (nombre de nouveaux cas pour 100.000 habitants) continue de baisser. Il se situe actuellement à 18, soit 20 à 30 fois moins que lors du pic de contamination. Le nombre de cas positifs recensés chaque jour, en moyenne, est pour sa part passé sous la barre des 2.000 une première depuis près d’un an.
Le nombre de cas positifs recensés chaque jour (en moyenne) en France repasse sous la barre des 2 000, pour la première depuis près d’un an (le 13 août 2020).
Les efforts du gouvernement sur la campagne vaccinale portent aussi leurs fruits. Près de six adultes sur dix ont déjà reçu une première dose de vaccin contre le Covid-19. Mais le rythme des premières injections commence en revanche à chuter. La vaccination reste pourtant le meilleur moyen d’endiguer la propagation du variant Delta, initialement apparu en Inde. C’est précisément ce point qui inquiète les autorités sanitaires, alors que la tendance est aussi au relâchement des restrictions.
2. Quelles inconnues inquiètent le gouvernement ?
En France, le variant Delta représente désormais « environ 20 % » des nouveaux cas, a indiqué, ce mardi, le ministre de la Santé, Olivier Véran. Il y a moins d’une semaine, ce variant du virus ne représentait que « 9 et 10 % des nouveaux cas positifs en France », avait rapporté le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal. Le 1er mai, il ne représentait 0,1 % des nouveaux cas. Un mois plus tard, cette proportion montait entre 2 et 4 %.
Et les épidémiologistes sont formels : le variant Delta va devenir majoritaire sur le continent européen, de la même manière que le variant britannique a pris l’ascendant sur la souche originelle du virus. Cette propagation pourrait être facilitée par des restrictions sanitaires plus souples cet été que l’hiver dernier. Voyages, fêtes, Euro de football : à travers le continent européen, la tendance est au relâchement.
Le variant Delta, a « changé la donne », explique au « Parisien » Pascal Crépey, épidémiologiste et enseignant-chercheur à l’Ecole des hautes études en santé publique. Il se transmet 40 % plus que le variant Alpha, apparu au Royaume-Uni. Et cette contagiosité accrue « modifie beaucoup de choses sur le contrôle de l’épidémie et le nombre de personnes à vacciner afin d’obtenir la fameuse immunité de groupe », abonde le spécialiste. En clair, pour le contrôler, il faudrait que près de 80 % de la population soit immunisée, contre 60 % pour le variant Alpha.
Modélisation par @ete_fr de l’impact hospitalier du variant Delta en France. D’après le scénario médian (avantage de transmissibilité de 92%), on observerait un rebond à la mi-septembre à hauteur de 1.000 personnes en réanimation. Dans le pire scénario, on dépasse les 5.000 pers. pic.twitter.com/ehlKNLyE3L— Vincent Glad (@vincentglad) June 20, 2021
C’est pour cela que la France continue d’appeler à une vaccination massive. « Nous vaccinons 200.000 personnes par jour » en primo-injection, « c’est trop peu », a regretté jeudi le Premier ministre, en voyage dans les Landes. « On a fait beaucoup mieux, on doit faire beaucoup mieux », a-t-il ajouté, appelant « solennellement » les soignants à se faire vacciner.
Covid : pourquoi la vaccination reste la meilleure arme contre le variant Delta
L’autre enjeu consiste à remonter les chaînes de contamination. Dans les Landes, où le variant Delta représente près de 70 % des contaminations, les priorités du gouvernement portent sur la vaccination, mais aussi sur les tests. Sur sept jours, 14.000 tests doivent être réalisés dans le département. Objectif de l’opération : empêcher ce variant de devenir dominant.
3. Ailleurs dans le monde, la vaccination a-t-elle empêché un rebond des contaminations ?
Déconfinement retardé en Angleterre, retour du port du masque en extérieur à Israël , hausse des contaminations en Australie , mais aussi reconfinement à Lisbonne… la propagation du variant Delta progresse à travers le monde, malgré la vaccination.
Le Premier ministre israélien Naftali Bennett a ainsi mis en garde contre une « nouvelle vague » de contaminations au coronavirus après une hausse du nombre de malades imputée au variant Delta, introduit en Israël par des voyageurs. Et ce alors que plus de cinq des 9,3 millions d’Israéliens (55 % de la population) ont reçu deux doses du vaccin.
En outre, le niveau de vaccination en Europe est insuffisant pour éviter une résurgence de la pandémie, a mis en garde la branche européenne de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). « Le chemin à parcourir pour atteindre une couverture d’au moins 80 % de la population adulte est encore considérable », a prévenu le directeur Europe de l’OMS, Hans Kluge.
4. En quoi cette nouvelle vague serait différente ?
Si les autorités sanitaires restent en alerte face à la propagation du variant Delta, l’heure n’est pas encore à la panique. Le principal objectif de la vaccination n’est pas de réduire les contaminations, mais d’avoir un impact sur la mortalité. Les vaccins réduisent ainsi massivement les formes graves, et si nouvelle vague il y a, celle-ci sera bien différente des précédentes.
Au Royaume-Uni par exemple, « ce que les directeurs généraux d’hôpitaux nous disent constamment, c’est que c’est une population beaucoup plus jeune qui arrive », analyse Chris Hospon, le patron du NHS, le système de santé publique du pays. Ces patients « sont moins vulnérables sur le plan clinique, ils ont moins besoin de soins critiques », abonde-t-il. Le taux de mortalité est donc plus bas. « La plupart des personnes vulnérables sont vaccinées, donc le virus aura plus de mal à les atteindre et le nombre de décès à l’hôpital sera moindre par rapport à ce que l’on a connu », estime également Mahmoud Zureik, dans les colonnes du « Parisien ».
En revanche, le réservoir de personnes âgées non vaccinées reste important. « Il reste 20 % de personnes âgées non vaccinées, des segments entiers d’adultes non vaccinés y compris des vulnérables », détaille Antoine Flahaut à l’AFP. Ils « constituent un réservoir très important pour une très grosse vague », analyse-t-il.