Article publié sur marianne.net
Tandis que le pays se déconfine progressivement, le risque d’une quatrième vague de coronavirus semble atténué par la vaccination. Mais sommes-nous vraiment à l’abri d’un rebond épidémique ? Les réponses de l’épidémiologiste Pascal Crépey.

La France peut respirer un bon coup. Depuis ce mercredi 19 mai, le couvre-feu est repoussé de 19 heures à 21 heures. Terrasses, cinémas, théâtres, musées peuvent à nouveau accueillir du public. Mais gare à ceux qui crieraient victoire trop vite. Le scénario redouté d’un quatrième confinement n’est pas à exclure selon le conseil scientifique. « Tout dépend de l’ampleur de cette vaccination »a déclaré le professeur Rémi Salomon ce jeudi 13 mai 2021 au micro de BFM TV. Avant d’ajouter : « Si on vaccine beaucoup et que les Français sont raisonnables et qu’on arrive à se relâcher mais en prenant des précautions, on peut passer l’été sans quatrième vague. » Côté épidémie, les signes sont encourageants. La baisse du nombre de malades du Covid-19, en services de réanimation continue (4 255 dimanche, contre 5 005 une semaine plus tôt, et 6 001 au pic de la troisième vague le 26 avril).
Toutefois si la tendance s’inversait de façon inquiétante, Emmanuel Macron a prévenu que des « freins d’urgence » pourraient être utilisés. Alors que le cap des 20 millions de Français vaccinés a été franchi, quels sont les risques d’une révision à la hausse des chiffres de contamination au Covid 19 ? Pour y voir plus clair Marianne s’est entretenu avec Pascal Crépey, épidémiologiste à l’École des Hautes Études de Santé de Rennes (EHESP).
Pascal Crépey : Oui car le fait d’avoir 20 millions de personnes vaccinées induit un risque quasi nul pour ces populations de se retrouver à l’hôpital. C’est un élément important qui permet de mieux contrôler l’épidémie. D’autant que nous savons que les vaccins protègent des formes graves mais aussi de la transmission du virus. Même s’il semble que certains comme AstraZeneca ou encore Spoutnik, aient un impact moindre sur la transmission du virus. Les personnes les plus exposées à des formes graves du Covid-19 sont dans l’ensemble vaccinées. D’ailleurs, les taux de mortalité dans les maisons de retraite sont bien moins importants qu’auparavant.
La vaccination nous protège donc de l’arrivée d’une quatrième vague ?
Le vaccin accroît la protection générale mais ce n’est pas suffisant pour se passer d’autres mesures. Deux choses sont à craindre pour l’arrivée d’une quatrième vague. Dans un premier temps, ce sont nos comportements humains. C’est nous qui décidons collectivement du nombre de vagues que nous allons subir. Mais après un an demi de crise sanitaire, les gens connaissent globalement les moments qui sont à risque, et agissent pour les limiter. La seconde menace est celle de nouveaux variants. Elle va dépendre de la vaccination mondiale. La propagation du virus est un phénomène global. Il faut donc pousser à la vaccination sur le plan international pour juguler l’épidémie.
« Je reste inquiet pour les étapes suivantes, et notamment pour la réouverture des intérieurs des restaurants. »
En outre, il faut faire attention à ce que le processus de déconfinement ne soit pas trop rapide. Certes, il était urgent d’ouvrir des espaces de liberté. D’un point de vue épidémiologique, il est d’ailleurs préférable de se retrouver en terrasse extérieure plutôt qu’en intérieur chez les uns et les autres. Cette première étape d’ouverture, si elle ne donne pas un signal de relâchement généralisé, peut même nous aider à contrôler l’épidémie. Mais je reste inquiet pour les étapes suivantes, et notamment pour la réouverture des intérieurs des restaurants.
À quel moment pourrait-on parler d’une quatrième vague ? Si les lits d’hôpitaux sont largement saturés ?
Les médias ont fait un focus sur la saturation des hôpitaux. Objectif a été pris d’éviter qu’ils soient saturés pour ne pas avoir à trier les malades. Mais ce qu’il faut éviter avant la saturation, c’est le remplissage. Il ne faut pas oublier que le taux de mortalité en réanimation est situé entre 20 et 30 %. Les personnes âgées vont peu en réanimation, et la moyenne d’âge est plutôt située autour de 60 ans. De fait, plus nous vaccinerons les plus de 50 ans, moins les services de réanimation se rempliront.
Il y a aussi, dans une proportion plus faible, des personnes qui ont entre 30 et 50 ans et qui, malheureusement, contractent des formes graves. Même si, majoritairement, ils s’en sortent bien après un passage en réanimation, ils ne reprennent le travail qu’après une longue convalescence. La résilience face au virus reste longue. Il faut donc éviter de se satisfaire d’un remplissage continu des hôpitaux.
Quid de la menace des variants ? Des mutations plus dangereuses pourraient-elles venir aggraver la situation ?
Les variants qui nous posent problème sont le sud africain, le brésilien et le variant indien. Tous trois ont comme caractéristique commune d’échapper à l’immunité acquise, plus particulièrement l’immunité acquise après une infection au Covid-19, plutôt qu’après une injection du vaccin. Ces derniers restent efficaces contre les variants. On espère que les résultats qui vont bientôt être publiés viendront confirmer la protection des vaccins à ARN messager contre les variants.