Bordeaux : Le château Pétrus envoyé dans l’espace, semble avoir apprécié son séjour à bord de l’ISS

Article publié sur 20minutes.fr

Une restitution de la dégustation du vin de Bordeaux parti quatorze mois dans l’espace, était organisée ce mercredi

Cette bouteille de Petrus a passé quatorze mois sur la station spatiale internationale — Mickaël Bosredon/20 Minutes

  • La start-up Space Cargo Unlimited avait envoyé douze bouteilles de château Pétrus pendant quatorze mois sur la Station spatiale internationale.
  • Une dégustation de ce vin était organisée le 1er mars dernier à l’Institut des sciences de la vigne et du vin de Villenave d’Ornon.
  • Les experts ont relevé essentiellement des différences au niveau de la couleur, par rapport au même vin resté sur Terre.

Il est resté 438 jours et 19 heures dans l’espace, à une altitude de 400 km de la Terre… Le nom du vin qui était parti quatorze mois sur la station spatiale internationale (ISS), était jusqu’ici resté secret. Il a été dévoilé ce mercredi à l’occasion d’une conférence de presse à la mairie de Bordeaux : il s’agissait de douze bouteilles de château Pétrus (pomerol) du millésime 2000, évaluées à environ 5.000 euros la bouteille.

C’est la start-up bordelaise Space Cargo Unlimited, fondée par Nicolas Gaume et Emmanuel Etcheparre, qui est à l’origine du projet. Revenu au début de l’année sur Terre à bord du cargo Dragon de la société SpaceX, ce vin a d’abord été entreposé à l’ISVV (Institut scientifique de la vigne et du vin) de Villenave d’Ornon près de Bordeaux, pour le laisser reposer. Puis une dégustation a été organisée le 1er mars dernier. Ce jour-là, deux bouteilles « anonymisées » de Pétrus ont été présentées à l’aveugle à un panel de 12 personnes – amateurs et experts-oenologues.

« Le séjour spatial n’a pas eu d’impact préjudiciable sur la qualité sensorielle du vin »

Alors, le vin parti dans l’espace, était-il différent de celui resté sur Terre ? Oui, même si cette première dégustation n’est qu’une première étape, et qu’elle devra être complétée par d’autres analyses. Le verdict a été unanime sur un point : pour l’ensemble des dégustateurs, ces deux vins ont été considérés « comme étant de très grands vins », assure Philippe Darriet, directeur de l’unité de recherche œnologie à l’ISVV. « Le séjour spatial de la bouteille dégustée n’a pas eu d’impact préjudiciable sur la qualité sensorielle de ce grand vin, poursuit-il, et les deux bouteilles nous ont surpris par la complexité et la finesse de leurs arômes. »

Dans 11 cas sur 12, des « différences » ont été notées, en particulier sur la couleur, et parfois dans les nuances d’odeurs et de goût. Pour l’œnologue Jane Anson, « la grande différence » entre les deux vins restait surtout « visuelle ». « Les deux sont vraiment magnifiques », a-t-elle assuré tout en jugeant le vin terrestre « un peu plus tannique, plus jeune » par rapport au vin « céleste » avec « des tannins plus soyeux, plus évolués, et un côté aromatique un peu plus floral ». A contrario, l’œnologue Franck Dubourdieu n’a pas perçu de différence « significative ». Ce qui ne l’empêche pas de saluer un « succès » : « le vin de l’espace ne s’est pas détérioré ».

Les sarments partis dans l’espace pousseraient plus vite

Le célèbre château bordelais n’a pas été associé à l’expérience, précise Nicolas Gaume. « Nous ne l’avons pas sollicité, et nous n’avons pas impliqué d’une manière générale la place de Bordeaux, explique-t-il. On ne souhaitait pas imposer ce risque à des marques établies, surtout un grand nom comme celui-là, et nous avons acheté ce vin nous-mêmes. »

Ces premières impressions doivent encore être confortées par des analyses physico-chimiques à l’ISVV tandis qu’en parallèle, les scientifiques surveillent l’évolution des 320 sarments de vigne de merlot et cabernet sauvignon, qui ont aussi été envoyés sur l’ISS, où ils sont restés dix mois, dans des alvéoles sans lumière à l’hygrométrie maîtrisée.

Les premières observations semblent montrer que les sarments partis dans l’espace, et qui ont été replantés depuis, notamment dans des serres à l’ISVV, pousseraient plus vite que les plants restés sur Terre.

« Faire évoluer les plantes pour qu’elles deviennent plus résistantes »

La Mission Wise est le premier programme privé de recherche spatiale appliquée. Face aux enjeux liés au réchauffement climatique, elle entend tirer parti des effets de la microgravité sur des systèmes biologiques complexes.

« La Terre change, et nous pensons que l’espace a des clés pour nous permettre de réfléchir à ce que sera l’agriculture, et la viticulture, de demain, poursuit Nicolas Gaume. Quand on enlève la gravité, on crée le stress le plus prodigieux auquel on puisse être exposé, et la nature réagit, elle développe des stratégies pour tenter de survivre, d’évoluer. C’est ce stress-là que nous voulons capturer, car il fera évoluer les plantes, pour qu’elles deviennent plus résistantes face au changement climatique qui frappe la Terre. »

Nicolas Gaume se félicite que « les intuitions que nous avons eues il y a six ans au début de la mission Wise se révèlent fondées », mais souligne aussi que « nous ne sommes qu’au début de notre voyage. » « On a encore d’autres choses à trouver. »

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