Article publié sur leparisien.fr
Des chercheurs pointent des dysfonctionnements dans la politique de dépistage dans le pays après le premier confinement.
Tester. Isoler. Tracer. Trois objectifs qui servaient de mantra au gouvernement à la sortie du premier confinement et qui, à en croire les résultats d’une étude publiée dans la revue scientifique Nature, sont loin, très loin d’avoir été tenus. Neuf cas symptomatiques sur dix n’ont pas été détectés en France peu de temps après la fin du premier confinement national en mai, estiment les auteurs, qui pointent une défaillance du système de surveillance.
La capacité de dépistage « est restée insuffisante, même aux faibles niveaux de circulation virale atteints après ce confinement » et il était prévisible qu’elle « se détériore rapidement avec l’augmentation de l’activité épidémique », notent ses auteurs.
Pire en comptant les asymptomatiques
Giulia Pullano, Vittoria Colizza, de l’Institut français de recherche publique Inserm, et leurs collègues n’ont pas inclus les infections asymptomatiques (sans symptômes) dans leur calcul, qui pointe la défaillance du système de surveillance, avec une « sous-détection des cas de Covid-19 en France qui menace la lutte contre l’épidémie ».
En incluant le taux des infections asymptomatiques estimé par les chercheurs, « seule une infection au Sars-CoV-2 sur douze a été identifiée, pendant la période de l’étude » de sept semaines suivant le confinement, du 11 mai au 28 juin, souligne Jeffrey Shaman, de l’École de santé publique Mailman de l’Université de Columbia (New York) dans un commentaire sur cette recherche, également publié dans Nature.
Le système de dépistage n’a pas atteint les taux de détection nécessaires pour contenir la pandémie, malgré une amélioration avec le temps. Entre 250 000 et 280 000 tests par semaine étaient réalisés en France sur la période étudiée, selon la base de données de Santé publique France.
Inégalité territoriale
Les stratégies de détection et de suivi de la propagation du Sars-CoV-2 sont considérées comme essentielles pour que les cas puissent être identifiés et isolés afin de prévenir la transmission au sein d’une communauté – en particulier à de faibles niveaux de prévalence de la maladie après des confinements longs et coûteux.
Les chercheurs ont estimé le nombre d’infections symptomatiques du nouveau coronavirus survenues en France au cours de la période étudiée à l’aide de modèles mathématiques. Pour établir ces modèles, ils se sont servis de données régionales des admissions à l’hôpital ainsi que d’études sérologiques (examens sanguins décelant la présence d’anticorps, trace d’une infection par le coronavirus) et d’estimations à partir d’une base de données de suivi des symptômes autodéclarés.
Résultat : près de 104 000 infections symptomatiques survenues au cours de la période d’étude, contre un peu plus de 14 000 cas officiellement enregistrés. Seulement 5 des 12 régions étudiées ont dépassé un taux de détection médian de 50 % à la fin juin et moins d’un tiers (31 %) des gens présentant des symptômes de type Covid-19 ont consulté un médecin en dépit des recommandations.
Ensemble, ces résultats suggèrent que la majorité des infections par le SarS-CoV-2 n’ont pas été détectées au cours des premières semaines après ce confinement. Pour les auteurs, les stratégies de tester, tracer et isoler doivent être considérablement améliorées pour contrôler la propagation du Covid-19 et permettre la levée des mesures restrictives appliquées pour freiner le deuxième vague en Europe et « éviter une troisième vague ».