Vin : pourquoi le Bordeaux bashing ?

Article publié sur ouest-france.fr (2021)

Jadis considéré comme le meilleur, le vin de Bordeaux subit depuis une décennie environ un certain désamour de la part des consommateurs, aussi bien des professionnels que des amateurs. Le « Bordeaux bashing » consiste, comme son nom l’indique, à bouder les vins de Bordeaux. Dans cet article, on vous explique ce phénomène.

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Différentes raisons peuvent expliquer le bordeaux bashing. Il faut savoir que le vin de Bordeaux est présent depuis des générations et des générations sur les tables. Il était de loin le vin le plus consommé en France. Peut-être que le consommateur d’aujourd’hui le considère comme étant « Old School » et qu’il a aussi envie de découvrir autre chose. La publicité n’y est sans doute pas étrangère. En effet, on sait tous qu’une bonne communication est susceptible d’attirer de nouveaux clients, d’autant plus à l’heure du digital où chacun peut faire preuve d’innovation dans ce domaine et cibler un public précis.

Vin de Bordeaux : est-il trop cher ?

Pour de nombreux consommateurs, le vin de Bordeaux est au-dessus de leur budget. Alors quand d’autres régions (Bourgogne, Auvergne…) qui étaient autrefois décriées se mettent à produire du très bon vin, à un prix moins élevé que le vin de Bordeaux, cela attire forcément. L’image quelque peu inaccessible du vin de Bordeaux l’a sans doute un peu desservi. Beaucoup d’observateurs pensent d’ailleurs que le bordeaux bashing est plus une affaire d’argent que de goût, même si beaucoup n’aiment pas son côté boisé.

Autrefois plus accessible, les vignobles bordelais ont peu à peu été rachetés par des institutionnels ou des financiers, qui ont décidé de spéculer et de décréter du jour au lendemain que le prix de la bouteille augmentait drastiquement. Les consommateurs ont sans doute aussi perçu cela comme un manque de respect. Un chiffre illustre d’ailleurs parfaitement nos propos. Entre 2005 et 2010, une forte hausse a en effet été constatée pour les Grands Crus et de manière générale, les spécialistes estiment qu’une hausse de 700 % s’est produite sur le prix des Bordeaux entre 1986 et 2012.

Une augmentation XXL qui fera forcément fuir, de manière compréhensible, des consommateurs pourtant réguliers. En choisissant de se tourner vers le marché chinois notamment, les prix ont été revus à la hausse et l’image du vignoble bordelais s’est ternie peu à peu.

De plus, les vins de Bordeaux disposent d’un excellent potentiel de garde. Néanmoins, nos habitudes de consommation à l’aube de la deuxième décennie XXIe siècle ne permettent pas de percevoir tous leurs arômes et leur potentiel. En effet, nous les dégustons souvent trop tôt, trop jeunes et en découle alors une impression désagréable : ils se ressemblent tous ! Ce potentiel de garde, que l’on pouvait autrefois considérer comme un atout, s’est donc aujourd’hui peu à peu transformé en inconvénient.

Le vin de Bordeaux : de moins en moins présent sur nos tables

La conséquence de tout ça ? Le vin de Bordeaux est aujourd’hui beaucoup moins présent qu’autrefois sur nos tables et celles des restaurants. Y compris dans les restaurants bordelais, ce qui pour le coup est assez cocasse. En effet, la ville jouit d’une réputation mondiale pour son vin mais il serait difficile d’en déguster dans les restaurants ?

Toutefois, il n’est pas possible d’imposer aux restaurateurs de proposer du vin local, et c’est tout le patrimoine viticole bordelais qui s’en trouve affecté. D’après le CIVB (Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux), un restaurant à Bordeaux devrait proposer « au minimum 50 % de Bordeaux ». Nombre de restaurants doivent sans doute jouer le jeu mais certains continuent à proposer uniquement du vin étranger, qu’ils font affréter par avion et qui provient de Nouvelle-Zélande, d’Australie ou encore d’Amérique du Sud.

Il faut dire que pour le client, il n’est pas forcément simple non plus de choisir son vin de Bordeaux lorsque celui-ci est proposé. Entre la quantité d’appellations différentes et le manque de précision de beaucoup d’entre elles, beaucoup de consommateurs peuvent ne pas se sentir « légitime » et en capacité de choisir un bon vin de Bordeaux.

Même s’il est de moins en moins présent sur nos tables, le vin de Bordeaux reste toujours extrêmement populaire. En effet, on compte environ 20 bouteilles de bordeaux vendues chaque seconde dans le monde.

Vin de Bordeaux : un patrimoine à préserver

Mais alors comment redorer l’image des vins de Bordeaux ? Certains vignerons bordelais souhaitent aujourd’hui redorer l’image de leur vignoble notamment en bannissant les pesticides, en replantant des cépages autochtones oubliés (voire interdits) ou encore en proposant des cuvées hors des sentiers battus. Un groupe Facebook, « Bordeaux Pirate », est même né en décembre 2019 pour soutenir cette initiative.

Le vin de Bordeaux reste toujours une référence mondiale, en particulier auprès des individus âgés de la cinquantaine et plus. Ancrées dans leurs habitudes, le vin de Bordeaux reste une valeur sûre pour eux. Pour les jeunes générations, la donne est un peu différente. Pour eux, les vins de Bordeaux sont certes un gage de qualité, mais sont aussi le symbole de ce que l’on boit lors des repas de famille, chez ses parents ou ses grands-parents.

Les grands crus de Bordeaux doivent donc réapprendre à séduire les jeunes. Et c’est un euphémisme de dire que la tâche s’annonce difficile, tant les vins de Bordeaux sont aussi et parfois à tort associés à une certaine réalité environnementale. En effet, pour beaucoup de gens, les vins de Bordeaux sont issus d’une région avec des grandes exploitations semi-industrielles aux dizaines et dizaines d’hectares, et produisant des milliers de bouteilles.

À l’heure où la tendance est clairement au bio, au développement durable et à la cause écologique en général, il est difficile pour le bordeaux de redorer son blason. Le consommateur a réappris à aimer le contact avec le producteur et malheureusement, le négoce bordelais ne facilite pas cette démarche. Il y a toujours des exceptions, mais globalement la perception des clients est la suivante : de grands châteaux impersonnels où les portes restent closes pour les consommateurs aux moyens modestes.

Mais alors comment inverser la tendance ? Le bordeaux se doit aujourd’hui de montrer une nouvelle image. La qualité et la diversité de ses vins sont toujours présentes, il y a un vrai travail à engager pour redorer l’image de vin de Bordeaux. La presse, les influenceurs, les blogueurs, le marketing digital mais aussi les consommateurs ont sans doute un rôle à jouer. Aujourd’hui, une simple affiche placardée dans la rue ou une publicité à la télévision ne suffit plus à inverser la tendance et changer la perception d’un produit auprès d’un consommateur. C’est donc un vrai travail sur le long terme qui doit être engagé.

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