Article publié sur leparisien.fr
L’épidémiologiste et infectiologue suisse, président de la mission indépendante sur l’évaluation de la gestion de la crise en France, affirme ce mercredi que nous allons devoir « vivre avec le virus » et met la pression sur la vaccination, en attendant une immunité de groupe, dans plusieurs années.

« On ne peut pas arrêter toute une société parce que des personnes refusent d’être soit testées, soit vaccinées. » Voilà la sortie devant la commission des affaires sociales du Sénat de Didier Pittet, ponte international de l’infectiologie. Ce professeur suisse a mené la mission indépendante sur l’évaluation de la gestion de la crise Covid-19 en France, qui a rendu un rapport de 200 pages, hors annexes, en mai. Un texte qui a mis en lumière un manque d’anticipation et de préparation, puis une réaction face à la crise plus satisfaisante.
Devant les sénateurs, Didier Pittet a alerté ce mercredi matin sur les vagues à venir. « Les virus ont une évolution naturelle et font des variants, sinon ils ne survivraient pas, prévient l’infectiologue. Le variant Delta est plus contagieux et entraîne peut-être plus de mortalité, c’est tout à fait normal. Pour qu’un virus prenne le dessus sur les autres, il faut qu’il occupe plus de place, qu’il soit plus contagieux. La bonne nouvelle, c’est que les vaccins et l’immunité protègent contre ce variant. Peut-être moins AstraZeneca que Moderna et Pfizer. Les variants qu’on craint le plus vont naître dans les pays où il y a le plus de vaccinations parce que c’est une course entre le variant et le vaccin. Le virus sent plus de résistance, a de plus en plus de capacité à se dire : Il faut que je change, sinon je meurs. C’est un instinct de survie, pas de l’intelligence. Les virus sont logistiquement bien faits pour s’adapter. Ce n’est pas une surprise et ça va continuer. »
Vaccination ou test bihebdomadaire obligatoire
Le médecin prévient : « Ce virus ne va jamais disparaître, il va apprendre et nous allons apprendre à vivre avec lui. On vit tous avec quatre grandes familles de coronavirus avec lesquels nous sommes infectés dans l’enfance. À l’âge de 20 ans, presque 100 % d’entre nous avons acquis une protection contre ces 4 coronavirus. Cela va prendre des années jusqu’à ce que 100 % de nous soyons aussi immunisés contre le Covid-19. Ensuite, on n’en parlera plus. La vaccination aide à accélérer ces étapes. » Le Pr Pittet rappelle que l’immunité de groupe de la rougeole « se situe à 98 % de personnes immunisées » et prédit que « les enfants seront vaccinés lorsque les données de sécurité nécessaires auront été recueillies ».
Au-delà de ces projections sur le développement du coronavirus, l’épidémiologiste qui estime que « la France a très bien géré la 3e vague », préconise de renforcer les stratégies de tester-tracer-isoler et de durcir le ton sur la vaccination : « Il y aura une 4e vague, avec des clusters. Plus leur nombre sera faible, plus on les comprendra.
Nombre quotidien de premières injections de vaccin contre le Covid-19
Sur 7 jours glissants

SOURCE : Santé publique France
Dans l’idéal, il faut interrompre tous les clusters. Il y a un risque de 4e, 5e et 6e vagues. Plus les personnes sont vaccinées, plus le risque est faible, puisque le virus ne peut pas être transmis à une autre personne quand il arrive sur une personne vaccinée. Mais aucun vaccin n’est efficace à 100 %. Pfizer et Moderna sont très efficaces, entre 90 et 95 %, d’autres moins. Il faut tester, tracer et isoler. Et il faudra utiliser les pass sanitaires, pour que certaines activités ne soient accessibles qu’aux personnes vaccinées, testées négatives ou déjà infectées. » Didier Pittet réclame notamment que les personnels des Ehpad soient mis face à leurs responsabilités, en devant se faire tester deux fois par semaine s’ils ne sont pas immunisés. Et de prolonger : « Il faudra avoir le même débat pour le reste de la population. »