Article publié sur leparisien.fr
Selon un article très relayé d’un site spécialisé, boire du vin protégerait du Covid-19. Un raccourci.

Illustration. LP / Arnaud Dumontier
Boire du vin pour se protéger du Covid-19. Ce conseil en ravirait certains. Et il serait scientifiquement prouvé selon le site spécialisé Vitisphère. Dans un article très relayé, il assurait dans un premier temps qu’une étude confirmait le rôle bénéfique de la boisson alcoolisée contre le coronavirus. Avant de tempérer ses propos face aux critiques. On fait le point.
D’où vient cette affirmation ?
D’un article publié sur Vitisphère d’abord intitulé « une nouvelle étude confirme que le vin protège du Covid-19 » dans sa première version publié le 2 février. Le site spécialisé est revenu sur son titre ce vendredi, lui préférant : « une nouvelle étude étaye l’hypothèse d’un effet protecteur des composés du vin contre la covid-19 ». Le contenu du papier lui ne change pas. Il s’appuie sur une étude de l’Université de médecine de Taïwan, qui à « découvert que les tanins du vin inhibent efficacement l’activité de deux enzymes clés du virus, qui ne peut alors plus pénétrer dans les tissus cellulaires », selon Vitisphère.
Que dit vraiment cette étude ?
Publié le 1 er décembre par plusieurs chercheurs dans l’ American Journal of Cancer Research, cette étude menée in vitro se penche sur l’action de composés naturels présents principalement dans les fruits dans la prévention contre le coronavirus. Parmi ces substances, l’acide tannique.
Ce dernier appartient à la famille des tannins, et plus largement à celles des polyphénols. Il est présent dans le vin mais également dans les légumineuses, le sorgho, ainsi que dans les fruits couramment consommés comme les framboises, les bananes et les kaki. On lui attribue notamment des vertus anti-oxydantes, rappellent les auteurs.
Concernant le Covid-19, ils ont montré dans leurs expériences menées en laboratoires « que le criblage de ces composés a identifié l’acide tannique comme un puissant inhibiteur du SARS-CoV-2 (…) ». Des résultats qui « soulignent le potentiel de l’exploitation des sources naturelles en tant que réservoirs de remèdes sûrs et efficaces pour freiner la pandémie COVID-19 (…) », concluent les chercheurs.
Pourquoi l’article fait-il un raccourci trompeur ?
L’acide tannique inhibe bien une « protéase », un enzyme, qui est co-récepteur du Covid. Sur des cellules en culture, il inhibe également l’entrée du virus. Mais cela ne signifie pas que boire du vin diminue pour les humains les risques d’attraper le Covid-19, s’énervent les scientifiques. « Il y a des laboratoires qui étudient l’influence biologique de substances présentes dans le vin mais ailleurs, comme le polyphénol ou encore l’acide tannique. Depuis des décennies on trouve des résultats biologiques qui indiquent que tel ou tel polyphénol auraient des activités biologiques in vitro. A partir de ces résultats tous les lobbys, principalement du tabac de l’alcool, se saisissent de quelques éléments et généralisent leurs effets », martèle auprès du Parisien Axel Kahn, médecin et généticien. L’acide tannique interagit avec la protéase, donc on en conclu que le vin protège, or ni de près, ni de loin, cette étude ne suggère cela ».
En résumé
- Un article d’un site spécialisé, un temps titré « Une nouvelle étude confirme que le vin protège du Covid-19 » a été très largement relayé.
- Il s’appuie sur une étude de chercheurs de l’Université de médecine de Taïwan, qui a conclu à l’efficacité de l’acide tannique in vitro sur des cellules en culture, inhibe l’entrée de virus.
- Cela ne signifie pas que le vin protège du Covid-19, l’étude a été menée en laboratoire, et l’acide tannique est présent dans beaucoup d’autres substances que le vin, tels que les fruits ou l’écorce des arbres.