Alors que les appels au reconfinement se multiplient chez les médecins, certains alertent sur la dangerosité de cette nouvelle vague de Covid-19.
Article publié sur le Huffingtonpost.fr

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CORONAVIRUS – La France va-t-elle bel et bien se reconfiner pour endiguer une nouvelle fois l’épidémie de coronavirus? L’hypothèse, longtemps écartée par le gouvernement, es désormais avancée par des médecins et des élus, alors que deux tiers des Français sont déjà soumis à un couvre-feu de 2h à 6h.
Car la deuxième vague de l’épidémie, tant redoutée cet été, traverse désormais tout le pays. Et elle “va probablement être plus forte que la première”, a estimé le président du Conseil scientifique, instance chargée d’éclairer le gouvernement sur la crise, interrogé ce lundi 26 octobre sur RTL. “On est dans une situation difficile, voire critique. On avait prévu qu’il y aurait cette deuxième vague, mais nous sommes nous-mêmes surpris par la brutalité de ce qui est en train de se passer depuis 10 jours”, a ajouté Jean-François Delfraissy.
Le directeur général de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP), Martin Hirsch, avait dressé le même état des lieux vendredi. “Il y a eu la perception depuis quelques mois que soit la 2e vague n’existait pas, soit que c’était une vaguelette. La situation est l’inverse”, avait-il lancé sur la même antenne, alors que plus de 50.000 nouvelles contaminations ont été dénombrées dimanche, un nouveau record.
Les craintes des spécialistes se fondent sur plusieurs constats.
Toutes les régions sont concernées
D’abord, celui de la diffusion du virus dans toute la France. “Si on se place sur la vitesse d’apparition des cas, c’était bien pire lors de la première vague parce qu’on avait une courbe exponentielle, a décrit ce lundi sur franceinfo le professeur Éric Caumes, chef du service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière à Paris. Là, ce qui nous pose problème, c’est que la situation est grave sur toute la France”.
“C’est désormais un phénomène global, ce qui est clairement différent de la première vague”, souligne Martin Blachier, médecin de santé publique, interrogé par Le HuffPost. En mars et avril, l’Est et l’Île-de-France concentraient le plus grand nombre de patients. “Mais le virus s’est propagé cet été. Quand on a rallumé le gaz, il a repris partout”, explique le co-dirigeant de la société de conseil Public Health Expertise.
Martin Blachier note l’influence de la météo dans la propagation de l’épidémie ces dernières semaines. “Il n’y a aucune autre explication possible: l’automne semble donner suffisamment de vigueur au virus malgré les mesures barrières”, estime-t-il, soulignant que les courbes des contaminations ont soudainement grimpé “trois jours après la baisse des températures”, pour toutes les classes d’âge et dans toute l’Europe. Le président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, juge lui aussi que cette hausse est “peut-être liée à un refroidissement, au fait que ce virus est relativement sensible au climat” mais aussi au fait “que les gens rentrent plus chez eux”, ce qui favorise la propagation dans les lieux clos.
“Il y a certaines régions déjà qui anticipent qu’elles seront à un niveau supérieur à celui qu’elles ont connu début avril au moment du pic”, estimait Martin Hirsch vendredi. Martin Blachier cite par exemple la situation de l’Ariège ou de la Creuse, où le taux d’incidence, c’est-à-dire le nombre de cas confirmés de Covid-19 pour 100.000 habitants, augmente de façon “quasi-exponentielle”. Par rapport à la première vague, “on meurt au moins deux fois moins du coronavirus lorsqu’on est en réanimation”, souligne toutefois le médecin.
Le fait que cette deuxième vague touche tout le territoire va par ailleurs grandement compliquer les transferts de patients entre régions, mis en place lors de la première vague pour réduire la pression sur les hôpitaux. “On ne peut pas faire de transferts de patients, le personnel est saturé”, a averti le professeur Éric Caumes.
Depuis vendredi (23/10), seize malade ont été transférés de la région Auvergne-Rhône-Alpes vers la Nouvelle-Aquitaine. Mais “dans une semaine, ce ne sera plus possible”, prévient Benoît Elleboode, directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine, contacté par l’AFP.
Le reconfinement, encore difficile à envisager
Pour Catherine Hill, épidémiologiste à l’Institut Gustave Roussy de Villejuif (Val-de-Marne), il faut “confiner dès maintenant et dépister massivement, au moins 20 millions de Français par semaine, pour trouver les personnes contaminantes”. Elle estime que les cas de coronavirus dépistés ne représentent qu’un quart des cas réels, notamment parce “qu’un cas trouvé sur quatre est un contact d’un cas connu”.
“Le retard à décréter le confinement est la recette pour la catastrophe”, vers laquelle “on court à grande vitesse”, lance sans détour l’épidémiologiste, jointe par Le HuffPost. Car “il faut 15 jours pour voir le résultat des mesures mises en place. Et dans 15 jours, on sait déjà que la situation en réanimation sera catastrophique”, prévient Catherine Hill.
Pour l’heure, le nombre de nouvelles réanimations augmente “très vite, mais moins vite qu’entre le 17 mars, premier jour du confinement en France, et le début du mois d’avril”, note l’épidémiologiste. Elles étaient 259 dimanche (en moyenne glissante sur 7 jours). “Mais les arrivées à l’hôpital augmentent aussi vite qu’entre le 17 mars et début avril. Et on sait que l’augmentation des hospitalisations va découler sur la même augmentation en réanimation dans 15 jours”, prédit-elle.
Mais la piste du reconfinement, si elle n’est plus taboue, est toujours grandement redoutée par la population comme le gouvernement, qui craint notamment ses conséquences économiques. “La société est fatiguée, les gens ne sont pas prêts à se reconfiner généralement”, reconnaît Martin Blachier. “Mais l’ampleur de cette deuxième vague dépendra de ce que l’on décide de faire”, ajoute-t-il.
Il plaide pour sa part pour un “confinement solidaire des populations à risque, notamment les plus de 65 ans et la partie de la population âgée de 45 à 65 ans qui est immunodéprimée, souffre de diabète ou d’autres pathologies qui les exposent à des risques importants en cas de contamination”, a-t-il expliqué au Parisien.
Les hôpitaux ne peuvent plus traiter que du Covid-19
Lors de la première vague, les services hospitaliers étaient quasiment entièrement dévolus au coronavirus. Les opérations considérées comme non urgentes étaient déprogrammées, et certains malades ont même préféré ne pas se rendre aux urgences par peur d’attraper le virus. Résultat, certains retards de soins “n’ont pas encore été entièrement rattrapés”, indique Lamine Gharbi, président de la Fédération des hôpitaux privés (FHP), joint par l’AFP.
En Île-de-France par exemple, où “l’hôpital tourne déjà à plein” à cause du Covid-19, “on doit prendre en charge toute une série de patients avec d’autres pathologies, dont certains sont dans des situations plus graves, parce que pendant le printemps nous avions des difficultés et eux ne venaient pas à l’hôpital”, s’alarme Martin Hirsch. Les déprogrammations d’opérations ont toutefois commencé dans certains hôpitaux.
“Avec le recul, on se dit qu’on ne peut plus traiter que du Covid”, explique de son côté Martin Blachier, qui souligne que la première vague de coronavirus s’était accompagnée d’une surmortalité cardiaqaue à Paris. Cela s’ajoute à une activité saisonnière plus importante, selon Ferhat Meziani, chef de service de médecine intensive et réanimation au CHU de la ville de Strasbourg: “Nous sommes en période automnale et, sans compter la pandémie, nos services de réanimation sont déjà quasiment pleins”, a-t-il indiqué à l’AFP. Une situation de grande tension que doit affronter un personnel épuisé.