Deux hôtels de luxe au cœur de Marrakech

Article publié sur Slate.fr

Cette ville marocaine est une excellente destination pour un week-end ou des vacances dépaysantes.

Entrée principale de La Mamounia. | Alan Keohane

L’ex-capitale du Maroc au XVIe siècle est devenue avec le temps une grande ville de tourisme international grâce à son climat tempéré sauf l’été, et à l’accueil chaleureux de la population.

À trois heures de Paris, la ville rouge a été préservée de l’urbanisation à outrance. Elle a gardé son cachet si particulier et une attractivité hors du commun rafraîchie par les sommets de l’Atlas à l’horizon. Il fait bon vivre en toutes saisons dans la ville chère à Yves Saint Laurent et Pierre Bergé (splendide musée à voir dans le quartier Guéliz).

À La Mamounia, une chambre. | Alan Keohane

Il est vrai que les voyageurs trouvent à l’intérieur des remparts et dans les environs proches une diversification hôtelière de bon aloi et pour toutes les bourses. La Mamounia, un palace historique (1923), a beaucoup contribué au rayonnement planétaire de Marrakech comme le Carlton pour Cannes et le Normandy à Deauville. À l’extérieur des remparts, un nouvel hôtel de classe internationale, L’Oberoi, est ouvert depuis décembre 2019: un ensemble architectural de style marocain.

La Mamounia, un siècle de légende

C’était un palais somptueux le long des remparts que le sultan magnanime Sidi Mohammed a donné à son fils Mamoun, d’où son nom. En 1923, l’édifice imposant a été transformé en grand hôtel, propriété de la Compagnie des chemins de fer du Maroc et de l’État royal. Il est entouré d’un parc de treize hectares planté d’oliviers, d’orangers, de palmiers à quoi s’ajoutent deux piscines, l’une couverte au spa, l’autre à l’entrée du jardin romantique.

Au déjeuner s’y rencontrent les clientèles marocaine, française et anglo-saxonne depuis le formidable succès du film policier d’Alfred Hitchock L’Homme qui en savait trop avec Doris Day et James Stewart tourné en partie dans le cœur du palace cher à Richard Nixon, Jimmy Carter, Jacques Chirac et surtout à Winston Churchill (suite au troisième étage, vue dégagée sur l’Atlas).

Hédoniste et grand voyageur, le Premier ministre anglais a vécu longtemps à La Mamounia. Il peignait ses toiles dans le vaste parc aux mille parfums. En dehors de la jet-set internationale, des stars du septième art dont Orson Welles, Rita Hayworth, Yves Montand, Catherine Deneuve séjournaient régulièrement dans les appartements à terrasses, les salons aux canapés de velours rouge et dans les suites confortables de ce grand hôtel chargé d’histoires, le seul à porter un nom féminin avec La Chèvre d’Or à Èze Village à quelques kilomètres de Nice.

Le miracle permanent de La Mamounia (220 clés, 600 employés), c’est que ce cinq étoiles d’architecture marocaine a réussi à traverser le temps: cent ans en 2023. Bien entretenu, embelli, restauré (quatre fois) grâce à l’intelligence, la vista et l’amour du site célébré par les directeurs généraux successifs, Messieurs Lemercier, Pierre Bergé et Pierre Jochem, l’actuel tête pensante du palace.

Pierre Hermé à gauche et Pierre Jochem à droite sur la photo. | Alan Keohane

En 2020, l’avisé manager en titre a rajouté des pavillons privatifs le long de la piscine ainsi que le Bar Churchill, une œnothèque dotée d’une salle à manger et d’une cave d’exception de 17.000 bouteilles gérée par un excellent sommelier français, Mikael Rodriguez, l’acheteur des crus classés de Bordeaux (Pétrus) et de la sublime Romanée Conti (38.000 euros le millésime 1996). La Mamounia reçoit de très savants œnophiles intéressés par des flacons légendaires.

À La Mamounia, le Bar Churchill. | Alan Keohane

Oui, on s’est soucié du devenir de La Mamounia, une destination à part entière. L’hôtel au charme si prenant a su en une dizaine de décennies forger, enrichir, séduire l’incroyable fidélité des résidents: c’est La Mamounia ou rien à Marrakech.

Les fidèles sont des abonnés qui viennent plusieurs fois par an et pas seulement à Noël, à Pâques ou en septembre où La Mamounia affiche complet, mais toute l’année. Le grand hôtel aux intérieurs de marbre est leur seconde maison, ils ne sortent guère des allées du parc aux orangers, des salons climatisés, des terrasses de leurs chambres où le climat ensoleillé à midi dépasse les vingt degrés l’hiver, faisant une halte à la chocolaterie pâtisserie: millefeuille d’anthologie à 7 euros de Pierre Hermé qui signe un beau menu au bar italien et tous les desserts dans l’hôtel. Jamais les gâteries, les cornes de gazelle et le tiramisu n’ont été aussi délicieux.

À La Mamounia, le Menzeh par Pierre Hermé. | Alan Keohane

Élyane et Gérard Boyer, ex-chef trois étoiles des Crayères à Reims, formateur de très bons cuisiniers, ont leur chambre attitrée depuis quarante ans: un record mondial. «On ne se lasse pas de cet hôtel de rêve et de beauté. La Mamounia a une âme, elle vous ressource, vous insuffle de l’énergie et un réel bonheur de vivre», confie le grand chef auvergnat, auteur de la fameuse salade composée aux truffes et foie gras du père Maurice. Son épouse Élyane, qui connaît les concierges, les cadres et les cuisiniers, ajoute: «L’hôtel si bien tenu est comme un baume, un bienfait dont on ne se lasse pas. À chaque fois, c’est le coup de foudre.»

À La Mamounia, le salon de thé par Pierre Hermé. | Alan Keohane

Pour nombre de fidèles, la valeur de ce palace unique en Afrique du Nord, c’est la qualité du service et des personnels qui veillent avec doigté et sourires sur le quotidien des résidents: ils sont heureux de faire plaisir. En cela, la magie de La Mamounia paraît éternelle.

Deux restaurants dirigés par Jean-Georges Vongerichten

Le grand chef alsacien, trois étoiles à New York, est chargé de la restauration italienne et asiatique de La Mamounia. C’est un maître ouvert à toutes les cuisines, un globe-trotter des casseroles actif dans nombre de tables sur la planète. Il a conservé les chefs en place et choisi des adjoints rompus aux spécialités proposées à La Mamounia, désormais une étape de haute gastronomie.

Jean-Georges Vongerichten. | Alan Keohane

Le Pavillon de la Piscine

Petits déjeuners à 28, 36 et 41 euros. Omelette aux fines herbes, excellent cappuccino. À midi, la carte panache des plats italiens et français: le veau à la milanaise (32 euros), les ravioles de homard et crevettes (39 euros), le Saint-Pierre rôti aux olives (36 euros), le poulet à la peau croustillante (32 euros) et le zuppa inglese (17 euros). Terrasse extérieure aux beaux jours.

À La Mamounia, vue extérieure du Pavillon de la Piscine. | Alan Keohane

L’Asiatique

Un ensemble de plats nippons, coréens et indiens: dim sun, tartare de thon, curry de poulet, samossas croustillants. Bonne diversité et vérité des saveurs. Plein aux deux repas.

À La Mamounia, plats servis au restaurant L’Asiatique. | Alan Keohane

L’Italien

Excellentes pizzas, «inégalables» pour Élyane Boyer. Ravioles à la ricotta, fettuccine aux palourdes, tagliatelles aux haricots verts (31 euros), tiramisu (13 euros). Vins rouges, blancs, rosés de la Ferme Rouge, seconde AOC du Maroc.

Au restaurant L’Italien par Jean-Georges, la préparation des pizzas. | Alan Keohane

Le Marocain

En face du jardin, dans un bâtiment à étages d’un charme élégant, des plats gourmands de la tradition ancestrale: soupe harira (17 euros) mitonnée par des cuisinières marocaines, couscous d’agneau (36 euros), pastilla au pigeon (34 euros), tajine de poulet (32 euros). Réserver absolument. Décor remarquable. De 80 à 120 euros.

Au restaurant marocain de La Mamounia, quelques plats. | Alan Keohane

Le Bar Italien

Aucun plat de la cucina italiana, mais une carte très française supervisée par Pierre Hermé: salade de homard à l’avocat (36 euros), ceviche de dorade aux agrumes (32 euros), saumon gravlax (37 euros), volaille fermière au jus de volaille, excellente (36 euros), filet de bar au court-bouillon, blanquette de veau et riz basmati (41 euros), Ispahan à la rose (16 euros). La meilleure table de l’hôtel, un réel raffinement pour un vaste choix. Vaut une étoile. De 80 à 120 euros.

À La Mamounia, le Bar Italien. | Alan Keohane

Boutique Pierre Hermé

Macarons au miel, amandes et origan, macarons au thé Earl Grey et dattes. Tous les chocolats du maître, un atout de poids pour La Mamounia. Une dégustation de qualité.

Le Musée Yves Saint Laurent et les jardins de Majorelle

Rétrospective des incontournables de la mode du grand couturier, défilé filmé, croquis, dessins, photos, tout Yves Saint Laurent en une heure. Boutique, librairie captivante, ouvrages rares. Exposition temporaire. Entrée à 22 euros. Tickets fournis par l’hôtel. À côté, le Café Majorelle en terrasse, bons plats du jour, couscous (11 euros).

Avenue Bab Jdid 40040 Marrakech. Tél.: +212 5243 88600. Chambres à partir de 500 euros selon la période. Soins et massages au spa, piscine chauffée (30 degrés), salle de sports et de jeux. Tennis, galerie Majorelle, boutiques de mode. Dîner à 18h45 jusqu’à 20h. Room service à toute heure, couscous en chambre. Fumoir, cave à cigares. Limousine à l’aéroport.

The Oberoi, un bel hôtel de style marocain

Le groupe hôtelier indien (trente-deux hôtels dans le monde) a vu les choses en grand pour ce premier cinq étoiles de luxe édifié dans la campagne de Marrakech, à vingt minutes du centre historique: un investissement de 70 millions d’euros.

L’hôtel Oberoi. | Alan Keohane

Quelque quatre-vingt-quatre villas privées dotées d’une piscine turquoise sont disséminées dans le parc paysager de 11 hectares planté d’orangers, d’oliviers, de palmiers entretenus par une armée de jardiniers et paysagistes.

Le resort bucolique d’un calme absolu est un lieu de paix, de sérénité et de bien-être, loin de la foule marrakchi: plus d’un million et demi d’habitants dans la ville des Tombeaux saadiens.

L’Oberoi conçu par le grand architecte Patrick Collier, spécialiste des demeures de rêve, se présente comme un palais traditionnel, un remarquable hommage au style marocain et andalou du XIVe siècle. Le chef-d’œuvre est un admirable patio intérieur inspiré d’un des monuments les plus fameux de Marrakech: la Medersa Ben Youssef, la fameuse école coranique. C’est la première splendeur que vous avez devant vous à peine entré dans ce superbe Oberoi. Vous êtes dans un monument historique.

À l’Hotel Oberoi, le lobby. | Alan Keohane

Édifié en quatre ans, l’ensemble hôtelier prend tout son sens grâce aux jardins et aux plantations. L’hôtel produit de l’huile d’olive –350.000 bouteilles par an– et de la confiture d’orange. En fait, l’emplacement campagnard choisi par la famille Oberoi était une ferme modèle: la nature ici est généreuse, clémentines délicieuses et jus d’orange matinal inégalable, potager parfait pour la cuisine du chef français.

À L’Hotel Oberoi, une villa de luxe avec piscine privée. | Alan Keohane

L’autre atout majeur, c’est la nature offerte à travers les jardins, «le paradis où coulent les ruisseaux», voilà pourquoi les concepteurs de L’Oberoi ont choisi d’édifier quatre-vingt-quatre demeures de 70 à 980 mètres carrés qui s’ouvrent sur les oliveraies, les vergers au bord des terrasses. Il y a là une opulence discrète où l’espace, la lumière, la sérénité ajoutent à votre séjour un supplément d’âme.

Vue de la piscine de L’Hotel Oberoi sur les montagnes de l’Atlas. | Alan Keohane

L’expérience culinaire à l’Oberoi

Dans la grande salle à manger lumineuse du Tamimt (le délice) haute de plafond et à terrasse, le chef français Jérémy Jouan resté quatre ans au Waterside Inn du regretté Michel Roux à Bray-on-Thames, Relais & Châteaux donnant sur la Tamise, présente une excellente carte aux trois cuisines: la française, la marocaine et l’indienne, d’où une trentaine de plats d’une étonnante variété. Un choix remarquable pour un gourmet cosmopolite.

Au restaurant de L’Hotel Oberoi, des crevettes. | Alan Keohane

Les six salades marocaines de saison (17 euros), la bisque de homard au safran (26 euros), les croquettes de lentilles aux épices indiennes (15,50 euros), la soupe traditionnelle harira aux dattes délicieuses (19 euros), les crevettes tigrées cuites au four tandoori, chutney de mangue (24 euros), le carpaccio d’ombrine façon gravlax aux algues et herbes (22 euros), la terrine de foie gras aux poires rôties et brioche constituent des entrées goûteuses. Ce chef a la générosité au bout des doigts.

Côté indien

Voici pour suivre, signés du chef indien de New Delhi Anand Singh, le ragoût de lentilles noires à la tomate (14,50 euros), la casserole de crevettes au poivre noir de Kérala et lait de coco (31 euros), le poulet fermier aux épices indiennes tomatées (31,50 euros), le curry d’agneau du Kashmire sauce tomate et épices, grand plat (32,50 euros). Il y a des clients qui ne veulent que des spécialités indiennes rarissimes à Marrakech.

Côté marocain

Le couscous d’agneau aux sept légumes et semoule (33 euros), le couscous aux légumes du marché, semoule (25 euros), le tajine de loup à la charmoula, poivrons confits, tomates (32 euros), le tajine de poulet au citron et olives rouges (28 euros), la souris d’agneau confite au safran (33 euros), le tajine de jarret de bœuf aux figues, échalotes et noix (34 euros). Toutes ces préparations mitonnées au restaurant Siniman par le chef marocain Salim Mounti passé par La Mamounia sont remarquables de saveurs vraies dont la semoule ultralégère que l’on peut mouiller d’un jus puissant. Ah, quel récital! Plats marocains envoyés par le room service.

À L’Hotel Oberoi, le restaurant Siniman. | Alan Keohane

Cuisine française

Ravioli d’artichaut à la barigoule, foie gras, parmesan (30 euros), daube de joues de bœuf charolais aux carottes et échalotes, rattes (35 euros), poitrine de porc croustillante au céleri, sauce au vin rouge (33 euros), la truite arc en ciel de l’Atlas, légumes grillés, sauce gremolata (32 euros), le poulet rôti à partager (56 euros), le T-Bone de charolais de 800 à 900 grammes à partager (60 euros), le carré d’agneau au romarin (36 euros), le pavé de turbot de l’Atlantique sur l’os (42 euros). Garnitures excellentes: frites, gratin à la truffe (90 euros).

Le chef sudiste a retenu des frères Roux l’exactitude des cuissons, le respect de la recette vraie (émulsion de foie gras, sauces fines) et les préparations carnées d’une rare justesse.

Parmi les desserts du très bon chef Mohammed, pâtissier très expérimenté, la délicate pastilla à la crème anglaise aux amandes, une merveille (10 euros), la mousse au chocolat grand cru à l’orange confite (14 euros), les sorbets aux fruits et glaces à la corne de gazelle, au chocolat et mandarine (9 euros).

À L’Hotel Oberoi, un dîner au bord de la piscine. | Alan Keohane

Oui, les plaisirs de la table ont amplifié la notoriété de L’Oberoi à Marrakech grâce à la maîtrise et au savoir-faire des chefs responsables et talentueux. Le groupe indien à Marrakech dirigé par un directeur français, Fabien Gastinel, développe une philosophie bien pensée de bien-être à travers «La Meilleure Assiette» conçue à partir d’aliments complets et des ingrédients locaux: simplicité, goût et tradition. Tout cela, ces réjouissances de bouche vaudraient deux étoiles si le Michelin marocain existait.

Route de Ouarzazate 40000 Marrakech. Tél.: +212 52508 1515. Six chambres dans le bâtiment principal à 550 euros, villas à 750 euros. Circulation en voiturette avec chauffeur. Dîners au restaurant de 18h45 à 20h, repas servis dans le désert, petit déjeuner en montgolfière, découverte aérienne, aventure en sidecar. Room service à toute heure. Spa en marbre de 2.500 mètres carrés, hammam, soins et massages à partir de 60 euros. Piscine couverte, yoga à 11h30. Week-ends très courus. Limousine à l’aéroport. À quand un Oberoi à Paris?

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