Quatre tables parisiennes pour vivre de grands moments de haute gastronomie

Article publié sur slate.fr

Des fiefs parfaits pour les «mangeurs de la vérité», comme disait Alain Chapel.

La salle du restaurant 39V. | Yann Deret

1) Le 39V

Perché au sixième étage de ce bel immeuble de l’avenue George V, ce restaurant en arc de cercle à la vue panoramique sur les toits de Paris abrite la très fine cuisine du chef Frédéric Vardon formé dans les brigades d’Alain Chapel, d’Alain Dutournier et d’Alain Ducasse dont il a été l’un des adjoints et l’un de ses meilleurs seconds à Monaco et à Paris. Pas rien!

Frédéric Vardon, chef du 39V. | Yann Deret

Sa carte d’une quinzaine de plats réunit des spécialités classiques, personnalisées avec talent et doigté. Tout fait envie comme la tourte tiède de gibiers à plumes, salade, noix et noisettes, la daurade royale marinée grillée, condiment sésame, les Saint-Jacques de la Baie de Seine tranchées crues (24/36 euros), la truite de Crisenon fumée au bois de cerisier, kimchi, raifort (22/34 euros), les langoustines, rémoulade (30/42 euros), la bonite de Méditerranée, courge bleue de Hongrie et jus acidulé et le veau de France comme un «Vitello» (38 euros).

Parmi les demi-douzaines de préparations du moment, il faut mentionner l’onctueux soufflé de Saint-Jacques, caviar de saumon de fontaine (56 euros), la pêche durable des criées, turbot, Saint-Pierre, artichauts, persil et sucs au vin jaune ou pommes de mer grillées et coquillages (58 euros) et une simple merveille, les macaroni artisanaux de la maison Blin à la truffe d’automne et Beaufort (60 euros) ou le rare filet de bœuf de race, pommes dauphine, sauce aux poivres qui à lui seul vaut le voyage (60 euros).

Ces assiettes d’un goût vrai, sans affèteries, expriment le sens des saveurs et de la main experte de ce jeune chef qui aurait dû avoir l’étoile depuis des années. On reste sidéré, confondu par l’aveuglement du Michelin. Le chef Vardon, jamais absent, sans occupations annexes, est un cuisinier créatif et régulier. La plupart des clients sont des fidèles et de simples connaisseurs.

Quel chef mitonne encore la poire Belle Hélène chère à Escoffier et la tarte au citron meringuée aux deux menus de midi? Cela s’appelle le respect du client, une valeur chère à Alain Ducasse.

À deux pas du Prince de Galles et du Four Seasons, le 39V affiche un rapport prix-plaisir imbattable dans le secteur. À noter huit desserts (de 15 à 24 euros) dont un joli soufflé au chocolat et piment d’Espelette et une délicieuse crème glacée au caillé de Normandie, miel et pollen.

Au restaurant 39V, la volaille de Bresse aux raisins. | Yann Deret (1) + Au restaurant 39V, le soufflé au chocolat et au piment d’Espelette. | Yann Deret (2)

Le Michelin 2022 s’honorerait en récompensant d’une première distinction cette table élégante, un modèle d’honnêteté dans ce quartier chic et huppé.

Menu au déjeuner à 49,50 (deux plats) ou 59,50 euros (trois plats). Au dîner, les menus Dégustation: Découverte en cinq services à 95 euros et Signature en sept services à 145 euros.

39, avenue George V, entrée au 17, rue Quentin Bauchart 75008 Paris.
Tél.: 01 56 62 39 05.
Carte de 90 à 110 euros.
Fermé samedi et dimanche.

2) L’Agapé

Quand un restaurant est tenu, vécu par un authentique professionnel tout change. Le chef met en valeur ses assiettes et de judicieuses trouvailles: c’est ce qui se passe dans cette adresse de classe du XVIIe arrondissement, pilotée par Laurent Lapaire, ancien maître d’hôtel d’Alain Passard à l’Arpège, trois étoiles historiques, en constant renouvellement.

Au restaurant Agapé, Laurent Lapaire (à gauche) et le chef Benoît Dumas. | Karine Bouvatier

Dans ce restaurant élégant, fief de vrais «mangeurs de la vérité» (Alain Chapel), le jeune chef Benoît Dumas accomplit des merveilles que le Guide Pudlowski a récompensé d’une assiette, c’est-à-dire l’équivalent de l’étoile Michelin.

Au restaurant Agapé, l’œuf de poule, jambon Bellota-Bellota, truffe blanche d’Alba. | Carole Aiach

Parmi la quinzaine de préparations du moment, relevons le tartare de noix de veau de lait à la moule de bouchot, maïs fumé, crème crue et caviar osciètre tsar impérial Petrossian, une entrée jamais goûtée nulle part (76 euros), les coquilles Saint-Jacques de Saint-Brieuc à la ficelle, sardine fumée, citron caviar, algue kombu (52 euros), l’œuf de poule à plat au jambon Bellota-Bellota, truffe blanche d’Alba (59 euros), les cavatelli de homard bleu de Roscoff et caviar, agrumes, basilic-citron (95 euros et 145 euros avec le caviar), la pêche de nos côtes bretonnes, légumes du domaine des Vernins, céleri moutarde, sauce à la belle de Morteau (69 euros), le canard de Challans à la betterave et prunelle, raifort (72 euros), le porcelet blanc de l’ouest, légumes racine, oignon et ail noir (84 euros), le supplément de truffe blanche d’Alba est à 75 euros pour 8 grammes.

À côté du comté de garde d’exception de Bernard Antony, maître fromager (21 euros), voici quatre desserts originaux: le chocolat Grand Cru Guanaja, lait malté, noisettes, glace au grué de cacao (26 euros), les tartelettes aux figues noires de Solliès, glace à la feuille de viguier (24 euros), les courges rares en salade, crème brûlée, émulsion chaude, graines caramélisées (22 euros) et la «danseuse», une composition aux fruits rouges et yaourt glacé, sorbet framboise, sumac (20 euros).

Au restaurant Agapé, la déclinaison de courge, émulsion et crème brûlée. | Carole Aiach

Oui, l’Agapé 2021 frôle les sommets de l’artisanat culinaire en mouvement. Il y a là un vrai talent de finition des plats et une surprise divine à chaque assiette. C’est une belle découverte pour tout mangeur sensible à la maîtrise des préparations.

La salle du restaurant Agapé. | Karine Bouvatier

Menus au déjeuner Automnal à 64 euros, Agapé à 116 euros, Carte Blanche à 155 euros.

51, rue Jouffroy-d’Abbans 75017 Paris.
Presque à l’angle de l’avenue de Villiers. Tél.: 01 42 27 20 18.
Fermé samedi et dimanche.
Voiturier.

3) L’Imperial Treasure

Dans l’ancien hôtel particulier de la famille Hennessy, près de l’Étoile, des investisseurs de Shanghai ont édifié un restaurant chinois de qualité réparti sur deux salles à manger, un bar et un salon privé, tenu par le directeur Romain Forest.

Le chef Yu Gang (à gauche) et Romain Forest, le directeur. | Photo personnelle

Parquets, boiseries, tentures noires, le groupe Imperial Treasure connaît la musique des grandes tables: il compte vingt-sept restaurants chinois sur le globe et une belle collection d’étoiles Michelin à Shanghai (deux en 2021), à Singapour, à Hong Kong et un autre à Guangzhou depuis 2019.

À Paris, voici des salons bien décorés pour soixante-dix-sept couverts répartis en quatre espaces de restauration dont un salon privé de huit couverts chic et sobre, sans chichis. Et de bon confort.

Au restaurant Imperial Treasure, la salle Bassano. | Pixel Diffusion / Anthony Vivien

Le chef chinois Yu Gang ne se complique pas la vie. Il envoie les classiques de la cuisine de Shanghai à commencer par le canard laqué pékinois découpé en salle afin d’extraire la peau en lamelles escortées de galettes croquantes: c’est un régal assuré et la meilleure façon de savourer les canetons, d’abord l’extérieur, la peau croustillante puis la chair fondante, un pur délice. À coup sûr, une superbe préparation qu’il faut escorter d’un grand Bordeaux ou d’un beau Bourgogne séveux.

Au restaurant Imperial Treasure, le canard laqué pékinois. | Jeanne Boutet

En prélude à ce mets de roi, la collection impeccable de dim sum, les crevettes sautées, crème de truffe noire et petits pois (46 euros), le riz à l’anguille cuit en cocotte (35 euros), la pluma ibérique laquée au miel (42 euros), le Black Cod et nouilles au bouillon de turbot (18 euros)… Mais le meilleur du repas très classique, c’est le riz ferme chinois inégalable par sa finesse et son goût inoubliable comme un riz japonais en plus aérien. Un moment de haute gastronomie.

Menus au déjeuner en cinq temps à 48 euros, Dégustation en huit temps à 98 euros, Imperial Signature en huit temps à 128 euros. Une excellente adresse.

44, rue de Bassano 75008 Paris. Tél.: 01 58 56 29 13.
Carte de 80 à 120 euros.
Pas de fermeture.

4) La Maison Russe

Laurent de Gourcuff (Paris Society) et Dominique Romano, deux investisseurs en restauration de luxe, ont transformé l’ancien hôtel particulier de Joël Robuchon au 59, avenue Raymond Poincaré (75016), alors trois étoiles au Trocadéro, en un restaurant chic de cuisine franco-russe supervisée par le chef exécutif Julien Chicoisne, ex-bras droit d’Éric Frechon au Bristol. L’essai est concluant, c’est plein midi et soir.

Laurent de Gourcuff (à droite) et Dominique Romano. | Romain Ricard

On a misé dans les salons sur un superbe décor de fresques, de moulures, de boiseries patinées, de tentures imaginés par l’architecte Laleh Amir Assefi. Les tables sont bien séparées et le personnel est de qualité.

La salle du restaurant La Maison Russe. | Romain Ricard

Cette table russe panache des plats de tradition française: la salade folle, foie gras, artichaut, haricots verts (35 euros), la stracciatella et poutargue (23 euros), le tartare de saumon, avocat, citron vert (14 euros), le saumon fumé écossais à la ficelle (31 euros), le cœur de saumon gravlax (26 euros)…

À La Maison Russe, le saumon fumé maison. | Romain Ricard

Et une préparation de style russe comme le coulibiac de saumon, avec épinards, riz pilaf, duxelle de champignons et son beurre blanc aérien (42 euros). Voici quelques plats aux grains d’esturgeon: les linguine au caviar, 30 grammes (62 euros), le cabillaud, poireaux crayons, caviar, 15 grammes (64 euros), la pomme de terre au four au caviar, 20 grammes (78 euros). Un régal.

Aussi une déclinaison d’œufs brouillés au saumon fumé et coriandre (24 euros), au King Crab (37 euros), au caviar, 15 grammes (45 euros), à la coque avec ses mouillettes craquantes avec 12 grammes de caviar (39 euros).

À La Maison Russe, la pomme de terre au caviar. | Romain Ricard

Des plats plus classiques de l’Hexagone: le homard bleu, pâtes casarecce à partager (128 euros), le pavé de saumon, tombée d’épinards (32 euros), le filet de bœuf sauce maison et frites (49 euros), la volaille fermière rôtie, jus truffé, purée de pommes de terre (36 euros).

À partager: la sélection de taramas servis avec des blinis (29 euros), le King Crab mayonnaise (59 euros), la pizzetta truffe noire (39 euros), le foie gras de canard maison, confiture d’oignons (24 euros).

On vise le luxe culinaire chic et de prestige en proposant une gamme de caviars à des prix élevés en provenance de la Maison Nordique à Paris: Osciètre Impérial de Sologne à partir de 137 euros les 30 grammes, le Baeri Impérial de Sologne à 110 euros les 30 grammes et le Beluga à 350 euros les 30 grammes, le plus recherché par les amateurs.

À La Maison Russe, le caviar. | Romain Ricard

Côté desserts du pâtissier Maxime Louis, la pavlova au chocolat noir (16 euros), aux fruits exotiques (16 euros), aux myrtilles et marrons glacés (19 euros), les chouquettes Maison Russe, sauce chocolat (16 euros), le soufflé au chocolat (20 euros), l’omelette norvégienne aux agrumes, une rareté absolue (65 euros pour deux).

Cette ambassade russe bienvenue est le seul restaurant de luxe inauguré à l’automne 2021: la cuisine étrangère à Paris est endormie à l’exception des restaurants italiens et chinois. Le succès inattendu de ce restaurant est une bonne surprise et les tarifs restent raisonnables, les réservations sont conseillées surtout pour le dîner où c’est la ruée. 80 couverts à l’intérieur et 7 salons allant de 6 à 25 couverts. Carte de 80 à 200 euros (et plus avec du caviar).

59, avenue Raymond Poincaré 75016 Paris.
Tél.: 01 40 62 72 05.
Fermé le dimanche. Voiturier.
Au rez-de-chaussée, Le Bar Les Poupées Russes (50 places assises) et la Boutique d’artisanat, d’art de la table et de spécialités russes à visiter (ouverte du mardi au samedi).

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